Chap. 4. De la formation des couleurs
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Du Châtelet, Émilie: Chap. 4. De la formation des couleurs. The Saint Petersburg Manuscripts. A Critical and Historical Online Edition (2020-2023). Edited by Ruth E. Hagengruber, Andrew Brown, Stefanie Ertz, Ulla Kölving, with an English translation by Alan Gabbey.
Edition Principles
Electronic edition provided by the Center for the History of Women Philosophers and Scientists, University of Paderborn, in cooperation with the National Library of Russia, Saint Petersburg, and the Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire.
Transcription, encoding, annotations by Andrew Brown and Ulla Kölving, with the collaboration of Stefanie Ertz.
* * * * *
Chapitre 4
de la formation des couleurs.
MS1: par me du Chastellet [[add. Voltaire]]par me du Chastellet
1.
Toutes les coulleurs La refrangibilité est la cause de toutes les couleurs. de la nature viennent de cette proprieté de la lumiere decouverte par Mr. Neuton, et qu'il appelle la refrangibilité[.] [1]
Les meilleurs philosophes Opinion des philosophes qui ne reconnoissent point cette refrangibilité croyoient avant luy que les couleurs etoient formées par les differentes modifications que les corps impriment à la lumiere ou par le mêlange inegal de la lumiere et de l’ombre. [2] Mais Mr. Neuton a demontré à l’esprit et aux yeux par un nombre infini d'experiences, qu’on peut voir dans son traité d’optique qu’un rayon de lumiere solaire, qui nous paroit d’un blanc brillant tirant sur le jaune contient sept especes de rayons, MS1: ch. I, num. 4 [[marginal note add. EDC]]ch. 1. num. 4o. qui se brisent tous differement en traversant un corps transparant quelconque, que ces rayons une fois separés demeurent ensuite inalterables, dans leur couleur, et qu’enfin chaque espece de rayon est fixée par la nature, à un degré certain de refrangibilité, comme à une couleur certaine.
2.
Cependant toutes les especes de rayons [2. | f. 286v] émanant en mesme tems du soleil, L'action des corps sur la lumiere est necessaire pour faire paroitre les couleurs. les couleurs dont la lumiere est composée seroient cachées pour nous, et tous les corps nous paroitroient de la meme couleur que la lumiere du soleil, si les corps n'agissoient pas sur les rayons. Ainsi l'action des corps sur la lumiere est necessaire, pour qu'elle nous decouvre ses couleurs. Mais cette action est bornée par la nature mesme des rayons, et les corps en agissant sur eux, ne changent rien à leur nature, ils ne font que leur donner occasion de la decouvrir.
3.
Un prisme Coment la lumiere nous decouvre ses couleurs par ex. qui reçoit un trait de MS1: <la> lumiere [[del. EDC]]lumiere solaire, blanc, l'attire par sa masse, et MS1: <la> le [[corr. EDC]]le force, comme on a vû dans le chapitre second, art. 6. à se flechir en le traversant. Si ce trait de lumiere ne contenoit qu’une seulle espece de rayons[,] ils obeiroient tous egallement à cette force qui agit sur eux, et si le prisme n’agissoit pas sur eux, ils le traverseroient tels qu'ils y sont tombés. Mais ce trait de lumiere etant composé de sept especes de rayons differents, et le prisme les attirant par sa masse, [4] ces sept rayons resistent plus ou moins, selon leur nature, à l'action par laquelle le verre les attire, et cette differente resistance les demeslant, l'un de l’autre, ils font [3. | f. 287r] des impressions distinctes et separées sur nostre retine, et les couleurs deviennent sensibles. Definition de la refrangibilitéLa refrangibilité n'est donc en effet que la differente facon dont chaque espece de rayons homogenes resiste à l'action des corps sur eux. [5]
4.
Puisque les corps transparens ne font paroitre les couleurs que par l'action qu'ils exercent sur la lumiere, et la lumiere que le soleil nous envoye nous paroissant homogene, Les corps opaques agissent sur la lumierequand aucun corps n'agit sur elle, il est certain que les corps opaques, nous paroitroient de cette seule et mesme couleur, de la lumiere du soleil, si les corps n’exercoient pas une action sur les rayons qui les atteignentatteintatteint. Ainsi les diverses couleurs des corps opaques nous prouvent que ces corps agissent sur la lumiere.
Les rayons les plus refrangibles sont les plus reflexibles Cette origine des couleurs se trouve confirmée par toutes les experiences, et les rayons les plus refrangibles , c’est à dire ceux qui se detournent le plus de leur chemin en traversant un corps transparent quelconque, sont toujours les plus reflexibles , c’est à dire ceux qui se reflechissent à une moindre obliquité d'incidence, et ces rayons conservent leur refrangibilité apres la reflexion. ainsycarCar apres leur reflexion de dessus un corps quelconque les rayons homogenes se [4. | f. 287v] reünissent deriere une lentille, à des foyers differents, qui repondent à leurs differents degrés de refrangibilité. [6] Ainsi la refrangibilité paroit une proprieté dont les rayons ne sont jamais depoüillés[.]
5.
Les corps transparents colorés (note 7) tiennent le milieu entre les corps opaques et les corps entierement diaphanes, et c'est par l'analogie qui se trouve entre eux, et les corps opaques que l'on peut decouvrir quelle est la cause, qui fait qu'un corps nous reflechit une couleur, plutôt qu'une autre. Car il n'y a que dans les corps transparents, dans lesquels le chemin de la lumiere puisse etre sensible pour nous.
Tous les corps Les corps transparents minces deviennent colorés transparents se colorent quand on les soufle en bouteilles, ou que de quelque façon que ce soit on les etend en lames, car les rayons qui etoient transmis sans interruption par les particules homogenes contigües d'un corps transparent, lorsque ce corps etoit epais, ne trouvant plus ces particules d'une egale densité quand ce corps est plus mince[,] se reflechissent à la rencontre de l'air dont la densité [9] differente de celle du corps transparent, interrompt leur transmission, et opere leur reflexion.
6.
Non seüllement Leur couleur varie avec leur epaîseur les corps transparents se colorent, lors qu'ils sont tres minces, mais leurs couleurs varient avec leur epaisseur, et selon l'obliquité de la lumiere, qu'ils nous renvoyent. et avec la position de l'oeil qui les regarde Ainsi l'aqua crispata paroit de couleurs differentes, selon l'epaisseur des boulles qui la composent, et la position de l'oeil qui la regarde.
7.
Rien n'est petit Quel usage sublime Mr. Neuton a fait de ce qu'on apelle des boules de savon dans la nature pour un philosophe, Mr. Neuton, a osé mesurer les epaisseurs auxquelles une boulle de savon (dont la tenuité et les couleurs changent à tout moment) donne les differentes couleurs, et c'est à l'aide de ces mesures, qu'il a determiné l'epaisseur necessaire à une particule quelconque pour nous reflechir telle ou telle couleur. Ainsi ces decouvertes si fines qui ne paroissent pas faites pour l'humanité sont nées à ses yeux du sein d'un amusement meprisable, et on peut dire à Mr. Neuton en cette ocassion ex jocis infantium et lactentium traxisti veritatem. [13] C'est à l'aide de ces boulles qu'il a mesuré l'epaisseur des particules qui réflechissent les differentes couleurs. Les deux verres d'un telescope luy fournissent le moyen d'avoir ces etranges mesures dont les boulles de savon luy avoient donné l'idée, car l'un de ces verres etant plan, et l'autre convexe[,] [6. | f. 288v] l'air ou l'eau qui se glissoit entre deux avoit differentes epaisseurs, et devoit[,] de mesme que la boulle de savon, donner differentes couleurs à ses epaisseurs differentes. Or la sphere sur laquelle le verre convexe avoit esté taillé etant connue[,] Mr. Neuton determina par ce moyen l'epaisseur à laquelle la lame d'eau qui etoit entre ces verres, reflechissoit, ou transmettoit les differens rayons[,] et il en fit ensuitte l'application aux boulles de savon qui paroissent de couleurs differentes à leurs differentes epaisseurs.
8.
Il resulte Resultat de ces mesures. de cesdesdes mesures et de cesdesdes experiences de Mr. Neuton sur ce sujet,
1.
que les rayons violets, qui sont les plus refrangibles, et qui se reflechissent à une moindre obliquité d'incidence, sont aussi ceux que ces lames minces reflechissent à leur moindre epaisseur, et qu'elles reflechissent les rouges[,] qui sont les moins refrangibles à leurs plus grande epaisseur [,] ce qui prouve bien sensiblement ce que j'ay dit cy dessus, art. 4. que les couleurs des corps opaques viennent de la differente epaisseur de leurs particules.
2.
que les particules Les particules qui forment le rouge sont les plus epaisses qui reflechissent le rouge doivent estre, toutes choses egalles, les plus epaisses de toutes, et que celles qui reflechissent les autres rayons doivent estre moins epaisses à proportion [7. | f. 289r] que ces rayons sont plus refrangibles.
3.
Les couleurs de ces lames changent selon l'obliquité de l'oeil qui les regarde, et cela ne peut estre autrement, car les differents rayons se reflechissant à des obliquités d'incidence differentes comme je l'ay dit dans le chapitre 3. art. 3. Les rayons qui sont reflechis à une certaine obliquité sont donc differents de ceux qui se reflechissent à une autre obliquité, ainsi la mesme lame doit paroitre de differentes couleurs à differentes personnes puisque les rayons qu'elle leur renvoie, leur reviennent sous des angles diferens.
4.
Les epaisseurs auxquelles Raport admirable entre la refraction et la reflexion une lame d'eau, ou d'air reflechissent les couleurs, sont entre elles come les sinus de refraction de la lumiere dans les deux milieux, en sorte que la lame d'eau qui reflechit le violet par ex. est d'un quart moins epaisse que la lame d'air qui reflechit la mesme couleur[,] car le sinus de refraction dans l'eau est moindre d'un quart que le sinus de refraction dans l'air. Les annaux colorés etoient par consequent plus petits dans l'eau, et plus grands dans l'air. [18] Ainsi plus un corps est dense, moins il luy faut d'epaisseur pour reflechir une couleur quelconque, et au contraire.
On peut conclure de là, que les particules des corps colorés tres denses, doivent estre plus petites que celles des corps de la mesme couleur qui sont moins denses. Les particules du ruban jaune par ex. doivent estre plus grandes, que celles d'un morceau d'or [.]
Ce rapport admirable entre la reflexion et la refraction fait voir sensiblement que ces deux effets dependent d'une même cause, et que cette cause est l'attraction, car l'attraction agit par la masse et l'on vient de voir qu'il faut d'autant moins d'epaisseur à un corps pour produire un effet quelconque sur la lumiere, que ce corps est plus dense. [22]
5.
Si dans une Les rayons homogenes sont alternativement transmis et reflechis selon l'epaisseur des lames minces chambre obscure, on laisse tomber sur les deux verres de télescopes (à l'aide desquels Mr. Neuton a fait les decouvertes dont je rends compte), [23] une des couleurs qui s'echapent du prisme, les rayons de cette couleur seront alternativement transmis et reflechis par la lame d'air ou d'eau comprise entre ces deux verres, en sorte que chaque anneau coloré sera separé par un anneau obscur, qui ne reflechitreflechirareflechira aucune lumiere, et cet anneau [9. | f. 290r] obscur regardé entre l'air et l'oeil paroitra de la couleur prismatique qui eclaire ces verres. [24]
Cette transmission Proportion de cette transmission et de cette reflexion alternative et cette reflexion alternative se fait à des intervales egaux et dans la proportion arithemetique continue des nombres 1. 2. 3. 4. 5. 6. etc. Et comme dans le point de contact des deux verres, il ne se faissoit point de reflexion, les rayons qui etoient transmis à l'epaisseur 0. continuoient de l'estre aux epaisseurs 2. 4. 6. 8. etc.[,] et ceux qui etoient reflechis à l'epaisseur 1. continuoient de l'estre aux epaisseurs 3. 5. 7. etc.[,] et les epaisseurs changeoient selon les especes de rayons qui tomboient sur les verres.
Ce phenomene sufiroit pour prouver que les parties solides ne reflechissent point de lumiere. Il ne sera pas inutille de remarquer icy, que cette reflexion et cette transmission alternatives des rayons chap. 3. art. 3. à travers les plaques minces suivant leurs differentes epaisseurs, sufiroit seulle pour prouver que ce ne sont point les parties solides qui reflechissent la lumiere.
C'est cette proprieté qu'ont les rayons d'estre alternativement transmis et reflechis à travers les lames minces selon une proportion constante, que Mr. Neuton appelle leurs accés, de facille transmission et de facille reflexion. J'ay desia parlé de cette nouvelle proprieté de la lumiere dans le ch. 3 art. 6. , ces accés ne signifient autre chose, que la vertu, [10. | f. 290v] quel qu'elle soit, Definition des accés de facille transmission et de facille reflexion par laquelle une espece de rayons homogenes, qui tombent selon un seul et mesme angle, sur un corps transparent quelconque et qui sont transmis à l'epaisseur 0. continuent de l'estre aux epaisseurs 2. 4[.] 6. 8. etc. et se reflechissent aux epaisseurs intermediaires 1. 3. 5. 7. etc.
Cette transmission et cette reflexion alternatives ne sont sensibles que lors que le corps transparent est tres mince, car lorsque les corps sont d'une certaine epaisseur, les rayons sont forcés à passer sans interruption à travers ce corps par l'attraction egalle de toutes ses parties, chap. 2. art. 4. et le corps nous paroit entierement transparent.
Ces accés sont une des causes qui font que les corps transparents tres minces se colorent, car les rayons qui etoient dans un accés de facille transmission [25] trouvent leur transmission interrompüe quand l'epaisseur du corps est diminuée, et ils sont forcés à se reflechir par la rencontre du nouveau milieu qui prend la place des particules homogenes qui les transmettoient.
Ces accés suivent Ces accés suivent les degrés de refrangibilité des rayons. la differente refrangibilité des rayons, de mesme que la reflexion[,] en sorte qu'ils sont plus grands cest a dire que lepaisseur de la lame qui reflechit les rayons, est plus grande et que par consequent ces accés sontetet [11. | f. 291r] moins nombreux dans les rayons rouges qui sont les moins refrangibles, et qu'ils sont plus petits et plus frequents dans les violets, qui sont les plus refrangibles, et cela à peu pres dans la proportion de 14. 1/3. à 9. [26] ce qui [est] aux dixiemes, pres environ la proportion inverse de l'intensité du violet et du rouge dans l'image prismatique, car dans cette image le violet est au rouge comme 80. à 45. [27] (note 8)
9.
Lorsque les verres des telescopes de cette experience etoient eclairés par la lumiere directe du soleil[,] il n'y avoit d'obscur que la tache centrale formée par le contact des verres, car dans cet endroit, il ne se faisoit aucune reflexion sensible[,] mais Les lames minces transmettent une couleur et en reflech[issen]t une autre selon leurs epaisseurs l'air ou l'eau, compris entre ces verres, etoit coloré de couleurs differentes, à toutes ses differentes epaisseurs[,] car la lumiere du soleil etant composée de toutes les especes de rayons differemment refrangibles, et ces rayons etant transmis ou reflechis à des epaisseurs differentes selon leur [12. | f. 291v] differente refrangibilité, il se reflechissoit des rayons à toutes les differentes epaisseurs de la lame d'air comprise entre les verres[,] au lieu que lors qu'ils etoient eclairés par une seule espece de lumiere prismatique[,] les anneaux etoient alternativement colorés et obscurs. [29]
Il suit de cette observation.
1.
que l'air ou l'eau comprimée entre les verres transmettoit une couleur et en reflechissoit une autre, à la mesme epaisseur, ainsi en regardant ces verres vis à vis du jour, les anneaux formés entre deux, paroissoient d'une couleur differente à une lumiere transmise, et à une lumiere reflechie, en sorte que la mesme lame qui reflechissoit les rayons bleus, transmettoit les rouges, celle qui reflechissoit les jaunes, transmettoit les violets etc.
2.
que les couleurs sont d'autant plus vives que la lame qui les reflechit est plus mince, car les couleurs sont d'autant plus vives que les rayons qui les forment sont plus homogenes, moins melangés d'autres rayons, ainsi pour le dire en passant, il n'y a point de couleurs plus vives que celles de l'arc en ciel, parce qu'il n'y a point de plus pures. Or les [13. | f. 292r] rayons differemment refrangibles,Les couleurs sont d'autant plus vives que la lame qui les reflechit est plus mince se reflechissant de dessus les lames minces à des epaisseurs differentes, plus une lame est epaisse, plus elle reflechira de differentes sortes de rayons[,] et par consequent plus la couleur de cette lame sera languissante. Donc les corps dont la couleur est tres vive, doivent avoir des particules tres minces.
3.
Il resulte de cecy encore, qu'il y a differents ordres, de couleurs, selon qu'elles sont plus pures ou plus meslées; on appelle les plus pures, c'est à dire celles qui sont produites par la lame la plus mince, Differentes ordres des couleurs couleur du premier ordre, celles produites par une lame trois fois plus epaisse que la premiere, couleur du second ordre, et ainsi de suite à mesure que les couleurs sont plus ou moins mélangées, et que l'epaisseur de la lame qui les reflechit augmente. Car cette progression augmente dans la progression des nombres 1. 3. 5. 7. etc.
10.
La reflexion des rayons differemment refrangibles à des epaisseurs et à des obliquités differentes, est ce qui fait, que les couleurs des corps minces varient avec l'obliquité de l'oeil qui les [14. | f. 292v] regarde, car par cette raison[,] la couleur qui revient à nos yeux sous un angle quelconque n'est pas la mesme qui y revient sous tout autre angle, et c'est là la veritable cause des couleurs de l'arc en ciel[,] cause inconnüe jusqu'à Mr. Neuton.
11.
L'obliquité des rayons Ce qui rend les couleurs des corps changeantes qui reviennent à nos yeux, aporte un plus grand changement aux couleurs des lames minces[,] lors qu'elles sont plus rares que le milieu qui les environne, que lors qu'elles sont plus denses que ce milieu. Ainsi les couleurs de la boulle de savon, etoient plus vives et moins changeantes que celles de l'eau ou de l'air comprimé entre deux verres, et cela est aisé à deduire des loix de la refraction, car la refraction se faisant en s'eloignant de la perpendicule lors que la lumiere passe d'un milieu plus dense dans un plus rare, et en s'en approchant dans le cas contraire. fig. 6. et 7. Si R et r sont deux lames minces d'une egalle densité, et d'une egalle epaisseur, la premiere plus dense que le milieu qui l'entoure, et la seconde plus rare que ce milieu, le rayon s'aprochera de la perpendicule dans la lame R et s'en eloignera dans [15. | f. 293r] l'autre lame r. Or la ligne bc. qui s'eloigne de la perpendicule est plus longue que la ligne B.C. qui s'en aproche, fig. 6. et 7. donc la lumiere reviendra sous des angles plus differents, de la particule R, que de la particule r[,] [33] et plus la densité de cette particule R sera augmentée (le milieu qui l'entoure restant le mesme) moins la difference entre B.D. et B.C. sera grande. Ainsi si la densité de cette particule est telle, que la difference de la refraction des rayons soit insensible dans toutes sortes d'obliquités d'incidence[,] cette lame paroitra d'une seulle et mesme couleur, dans toutes les positions de l'oeil.
Cecy fait voir que les particules des corps opaques sont baucoup plus denses, que la matiere qui passe dans leurs pores, puisque les couleurs de ces corps sont permanentes et ne changent point avec la position de l'oeil qui les regarde.
Les couleurs des lames minces sont plus vives lors que le milieu qui les entoure est plus rare que ces lames, leurs couleurs sont plus viues que lors que les lames sont plus rares, que le milieu qui les environne, caret ... parce queet elles sont moins vives lorsque ce milieu est plus dense[,] que ces lames et cela parce que les couleurs sont d'autant plus vives qu'elles sont plus pures, fig. 6. et 7.added EDC et il est aisé de voir que les couleurs que la particule R. reflechit, doivent estre moins melangées que celles qui sont reflechies par la particule r.
Les couleurs sont d'autant plus vives, que le milieu qui entoure les lames, differe, de leur densité, et cela doit estre ainsi, puisque nous avons vû qu'une des causes de la reflexion est la differente densité des milieux contigus. Or plus la reflexion est abondante, plus les couleurs doivent estre vives, ainsi les couleurs sont plus vives dans l'air comprimé entre deux verres que dans l'eau que l'on glisse entre ces verres, Cause de la vivacité des couleurs des corps. car l'air differe plus que l'eau de la densité du verre. Affin donc que les couleurs d'un corps soient brillantes, il faut que les particules qui le composent soient baucoup plus denses que le milieu qui les separe.
Le milieu qui entoure les lames minces, rend donc leurs couleurs plus ou moins vives, selon qu'il differe plus, ou moins de leur densité. Ainsi les couleurs des etoffes moüillées languissent, mais elles ne changent point, si ce n'est en se sechant, et alors c'est que la densité de leurs particules a eté alterée, ainsi les couleurs dependent de l'epaisseur et de la densité des particules des corps, et leur vivacité depend du milieu qui les entoure.
12.
Une curiosité vague Aplication des phenomenes raportés ci dessus aux couleurs des corps naturelsEDC ne doit jamais estre [17. | f. 294r] le but de nos recherches, et toutes les experiences et les observations sur les couleurs des corps minces transparents, que je viens de raporter, ne seroient que des decouvertes infructueuses, si elles ne nous conduissoient pas à connoitre, autant qu'il est possible, les causes des couleurs des differents corps. Aussi n'ay je raporté avec tant d'exactitude les phenomenes que les lames minces des corps transparents font paroitre que pour apliquer ces phenomenes aux couleurs des corps naturels. Natura est sibi semper consona dit le grand Neuton, [39] ainsi il y a bien de l'apparence qu'elle se sert de la mesme voye dans la formation des couleurs des corps opaques, et dans celles des corps minces, transparents; suivons donc comme je l'ay deja fait dans ce ch[apitre]. l'analogie [40] qui est entre les parties constituantes, des corps opaques colorés, et les lames minces des corps transparents.
13.
1.
Les corps les plus opaques Les corps opaques minces devienent transparens reduits en lames tres minces ou dissous dans des menstrües [41] suffisantes paroissent transparents, lors qu’on les regarde au trou d'une chambre obscure, ou avec un bon microscope.
Les accés de facille transmission et de facille [18. | f. 294v] reflexion des rayons, causent cette transparence des corps opaques, de mesme qu'on a vû qu’ils produisoient les couleurs des corps minces transparents, Pourquoy car les corps ne sont opaques, que parce qu'ils eteignent, qu'ils absorbent dans leur substance les rayons, qu'ils ne nous reflechissent pas, et ces rayons ne sont arrestés dans les corps que par les reflexions et les refractions internes que les particules de ces corps, et le milieu plus rare qui passe dans leurs pores font éprouver aux rayons, en les attirant inegallement, suivant la differente densité de ces particules, et de ce milieu. Or les rayons qui se trouvent dans des accés de facille transmission lors qu'ils arivent à la derniere surface d’un corps reduit en lames minces, au lieu de se rompre, comme ils faisoient entre les differentes surfaces qui composoient ce corps lorsqu’il etoit plus épais, sont transmis en ligne droite dans l'air qui devient contigu à la lame de ce corps aminci[,] et les rayons qui se trouvent dans un accés de facille reflexion, et dont l'accés n'est pas fini[,] au lieu d’estre reflechis par l’action inegalle des particules de ce corps et du milieu qui les separoit, trouvant leur reflexion interrompüe par l’air, sont transmis dans cet air[,] et cette lame est transparente [.] (note 9)
Ainsi quand les corps opaques deviennent transparents, ce qui se passe entre leurs parties internes devient pour ainsi dire sensible pour nous. Les rayons qui eprouvoient des refractions internes, et qui s’eteignoient, et s’absorboient dans ces refractions, viennent alors jusqu’à nos yeux, et operent la transparence de ces corps. [44]
Il paroit donc En quoy les corps opaques et les corps transparents different. que les corps transparents et les corps opaques, ne different que par la grandeur de leurs pores, [45] ch. 3. art. 7. l'arangement de leurs parties et la matiere plus ou moins dense qui les traverse, puisqu’en les reduisant en lames tres minces, les corps transparents se colorent, et les corps opaques deviennent diaphanes, sans qu'il arive de changement sensible dans la densité des particules qui les composent.
2.
Le mercure, le sable, les petits animaux etc. paroissent transparents au microscope, parce que le microscope augmente pour nous, les intervales qui separent leurs particules, et les rayons qui se perdoient entre ces particules sont alors transmis jusqu’à nos yeux. Ainsi si nos yeux etoient des microscopes naturels, la plus part des corps nous paroissoient diaphanes. Mais en distinguant leurs parties insensibles, nous devienderions incapables d’en voir l’ensemble, et cette veüe[,] loin [20. | f. 295v] de nous estre utille, nous seroit tres nuisible. Dieu paroit, avoir proportioné tous nos sens à nos besoins, plutost qu'à nostre curiosité. Ainsi nous ne voyons gueres au dela [46] de la puce, parce [que] c'est le plus petit des animaux dont nous ayons à nous defendre, il est donc bien vraisemblable que toutes les particules des corps, sont transparentes, puis que celles qu’on apercoit au microscope le paroissent, et qu'il ni a que les parties parfaitement solides de la matiere qui soient opaques.
Cette transparence Pourquoy tous les petits corps nous paroissent transparents au microscope dont tous les corps nous paroissent vient du defaut de nos organes, car si nos yeux ou les microscopesadded EDC pouvoient nous faire decouvrir le minimum de ces particules[,] ce minimum nous paroitroit certainement opaque, puisqu'il doit estre solide, et alors tous les corps nous paroitroient comme des cribles. Mr. Neuton croit que cette transparence des particules constituantes des corps, est ce qui s’opose le plus aux decouvertes que l’on pouroit faire dans leur contexture[.]
Les couleurs que les corps opaques reflechissent, quand ils sont reduits en lames tres minces sont plus foibles, parce qu’alors ils ne nous renvoyent que les rayons qui se reflechissent d’entre les pores de leurs premieres surfaces, mais ces couleurs ne changent pas pour cela, parce qu’elles dependent comme je l’ay dit, des particules, de ces corps, et [21. | f. 296r] que les particules ne sont point alterées.
La transparence des corps opaques minces prouve que les pores des corps opaques sont ou entierement vuides, ou que la matiere qui les traverse, est plus fine encor que l’air, puisqu’elle reflechit les rayons que l'air transmet.
3.
Les plumes de certains animaux, comme la queüe des paons, la gorge des pigeons etc. art. 5 changent de couleur selon les mouvemens de ces animaux. Ces changements de couleur viennent de la tenuité des filets ou barbes, qui terminent ces plumes, lesquelles[,] etant tres minces[,] reflechissent differents rayons à leurs differentes epaisseurs comme les lames minces, dont j’ay parlé. Or les rayons qui reviennent à notre oeil dans une certaine position ne sont pas les mesmes que ceux qui y reviennent dans une autre position, car plus les rayons sont obliques[,] plus la lame qui les reflechit est epaisse[,] et les rayons diferement refrangibles se reflechissent à des epaisseurs diferentes, art. 5. [22. | f. 296v] comme on l’a vû cidessus[.]
C’est par la meme raison, que les toilles d'araignées, certains fils de soye, et plusieurs autres corps changent de couleur, selon la position de l'oeil qui les regarde[,] et c'est sur ce principe que sont travaillées les etoffes changeantes. Tout l'art de ces etoffes consiste à en former la trame d’une couleur, et la chaine d’une autre. Par ce moyen les rayons d’une couleur, reviennent tous à nos yeux selon un certain angle, et ceux de l’autre couleur selon un autre angle. Cet art etendu et perfectioné a produit les tableaux changeants, ces chef d'oeuvres d’optique, on les connoissoit avant de scavoir que la refrangibilité les produissit, mais c’est elle seulle qui en peut entierrement expliquer l’artifice.
4.
Plusieurs corps changent leur couleur par l’attrition de leurs parties. Ainsi quelques unes des poudres dont les peintres se servent, alterent la leur par leur broyement, l’argent se brunit en le frottant etc.[,] marque certaine que les couleurs de ces corps, dependent de la grosseur des particules qui les composent.
5.
Les couleurs de l'atmosphere changent [23. | f. 297r] visiblement à mesure que les particules qui les composent, sont plus ou moins condensées. Ces particules à leur moindre epaisseur donnent le bleu azur, qui charme la veüe, et qui est la marque certaine d’un tems entierement serein[.] Ensuitte elles forment des nuées de differentes couleurs, à mesure qu’elles se condensent, et que leur epaisseur augmente. [50]
6.
On a vû que Pourquoy la pluspart des plantes qui se fanent deviennent rouges.les lames minces reflechissoient les rayons rouges, à leur plus grande epaisseur. art. 8. Voila pourquoy presque toutes les plantes[,] en se fanant , prennent successivement la couleur jaune et rouge, car l’epaisseur des particules de ces plantes, augmente par l’evaporation de leurs parties aqueuses, et ces particules etant plus epaisses, reflechissent les rayons les moins refrangibles, qui sont les jaunes et les rouges, au lieu des verds, qu’elles reflechissoient auparavant. [51]
7.
Les corps opaques minces transmettent une couleur, et en reflechissent une autre, comme les lames minces des corps transparents dont j’ay parlé. Ce qui prouve que les corps eteignent et interceptent certains rayons dans leurs [24. | f. 297v] substances, pendant qu'ils reflechissent les autres avec abondance. Ce sont les rayons qu'ils reflechissent plus abondament que les autres, qui forment leur couleur, et l'epaisseur de leur particules decide quelle espece de rayons ils doivent reflechir ou absorber en plus grande quantité, de mesme que l’on a vû, que l'epaisseur de la lame mince d’air ou d’eau comprise entre 2 verres decidoit si elle reflechiroit certains rayons, ou si elle les transmettroit. L'or en feuille reflechit les rayons jaunes et transmet les verds et les bleus L’or en feuïlle, par ex. regardé au microscope, paroit d’un verd tirant sur le bleu, à une lumiere transmise, et reste jaune à une lumiere reflechie, ce qui prouve que l’or reflechit les rayons rouges, les orangés, et les jaunes en grande abondance, tandis qu'il absorbe les verds, les bleus etc. dans sa substance. Il en est de mesme des autres corps selon leurs differerentes couleurs. [52]
14.
Les corps opaques minces Il se passe dans l'interieur des corps opaques la meme chose que dans les lames minces des corps transparens. produisant des phenomenes, si analogues à ceux des lames minces dont j’ay parlé, il me semble qu'il est indispensable de conclure, que les couleurs de ces corps dependent de la mesme cause, car je ne vois pas pourquoy [25. | f. 298r] un corps aplati, qui est d'une egalle epaisseur par tout, et qui par consequent paroit d’une couleur uniforme[,] ne conserveroit pas sa meme couleur, etant reduit en fragments ou filets de la meme epaisseur, et pourquoy chaque filet ou fragment seroit d’une couleur differente, et ne composeroit pas au contraire une masse de la meme couleur, que le corps aplati. Or tous les corps opaques pouvant estre considerés comme des amas de tels filets[,] leur couleur depend donc de la densité, et de l’epaisseur, des filets qui les composent, et de la grandeur, des vuides, ou pores, qui separent les filets. La vivacité de leur couleurs depend en partie de la matiere qui remplit ces pores. Ainsi quand j’ay dit que les corps opaques etoient plus heterogenes que les corps transparents, cela doit s’entendre principallement de l’heterogeneïté qui est entre leurs particules constituantes, et la matiere qui passe dans leurs pores, et qui separe ces particules; car il y a bien de [26. | f. 298v] l’apparence que les particules d’un corps opaque, sont à peu pres d’une densité egalle, puisque chaque corps reflechit constament la meme couleur. Je dis que ces particules sont a peu pres de la meme densité, car il n’y a aucun corps qui ne reflechisse de toutes sortes de rayons Tous les corps reflechissent de toutes sortes de rayons. et qui par consequent ne doive contenir des particules dont les densités sont diferentes, mais chaque corps tire sa couleur de la predominance d’une espece de rayons quelconque dans sa lumiere reflechie, et cette predominance, luy vient comme je l’ay desja dit, de l’epaisseur et de la densité egalle du plus grand nombre des particules qui le composent. Ainsi les corps dont les couleurs sont les plus vices, doivent avoir (toutes choses d'ailleurs egalles) leurs particules plus homogenes, plus minces, et plus denses que les autres corps, ce qui se deduit facillement de tout ce que j'ay [dit] dans ce chapitre. art. 8. 11. et 14.
15.
Je dis que tous les corps reflechissent de [27. | f. 299r] toutes sortes de rayons, et cela est demontré D'où chaque corps tire sa couleur par la meme experience qui prouve que toutes les couleurs viennent des rayons differemment refrangibles que la lumiere contient. Cette experience se fait dans une chambre obscure à l'aide d’un prisme, qui separe les differents rayons, car si on expose un corps quelqu'il soit, à une seulle espece de ces rayons, ce corps paroistra de la seulle couleur de cette espece de rayons qui l'eclairent. Donc tous les corps reflechissent de toutes sortes de rayons, puisque tous reflechissent la lumiere prismatique à laquelle on les expose, quelqu'elle soit, mais tous les corps ne reflechissent pas toutes les lumieres dans une egalle abondance, car l'outremer [55] par ex. paroitra plus brillant que le cinabre exposé à un trait de lumiere bleüe[,] mais le cinabre seroit au contraire plus brillant que l’outremer, si vous les exposiés l’un et l’autre à une lumiere rouge. C'est cette surabondance d’une certaine espece de rayons dans la lumiere reflechie, qui decide la couleur d’un corps [28. | f. 299v] lorsqu'il est eclairé de la lumiere directe du soleil, car cette lumiere contient toutes les especes de rayons.
16.
Toutes les couleurs paroissent plus foibles à la lumiere qu’au jour, parce qu'il emane moins de rayons, de la plus grande quantité de lumiere possible, que du soleil.
Certaines couleurs y changent. Le verd par ex. y paroit bleu, parce que la lumiere de la chandelle, contient moins de rayons producteurs du jaune que la lumiere du soleil qui contient plus de rayons jaunes que d'autres, et que dans la couleur verte, il se mesle une grande quantité de rayons jaunes, lesquels étant diminués, le verd qui est toujours une couleur meslée dans les corps qui la reflechissent, tire sur le bleu, c'est par une raison semblable, qu'à la lueur de l'esprit de vin, tout paroit bleu etc.
17.
Je viens de dire que la lumiere du soleil [29. | f. 300r] contient plus de rayons producteurs du jaune, Experience qui prouve que la lumiere du soleil abonde en rayons jaunes que d’autres. Cette surabondance de rayons jaunes qui est sensible a la ueüe a esté demontrée par Mr. Neuton par une experience dans laquelle un morceau d'or etant eclairé par un trait de lumiere qui s’echapoit d'un prisme et dont les couleurs avoient esté rassemblées par un verre lenticulaire, cet or parut entierement blanc par l'interception d’une partie des rayons jaunes qui s’echapoient du prisme.
On ne scait point la raison de cette surabondance de rayons jaunes dans la lumiere de nostre soleil, peut estre dans d’autres soleils, les autres couleurs dominent elles, [59] peut estre mesme, y en a t’il qui sont composés de couleurs dont nous n’avons nulle idée, car qui osera borner la puissance de celuy qui les a tous faits. [60]
18.
Les particules qui forment le blanc, doivent estre les plus dissimilaires de toutes, puisque le blanc n'est autre chose qu’un assemblage egal de tous les rayons dans la lumiere reflechie.
C'est encore une verité decouverte Le blanc est l'assemblage egal de toutes les couleurs par Mr. Neuton avec une sagacité admirable. On peut en voir le detail dans son optique. [62] On y verra que la sensation du blanc, n'est qu'une sensation commune formée de toutes les autres sensations de couleurs, lesquelles agissant presque en meme tems Comment nous avons la sensation du blancsur notre retine, ne peuvent estre distingués. Ainsi par la rapidité avec laquelle ces diverses sensations se succedent, il se forme une sensation commune, que nous avons appellée blancheur, de la meme façon à peu pres qu’un charbon tourné rapidement en rond nous paroit un cercle de feu; car notre faculté apercevante ne s'etend pas au dela d’une certaine vitesse et d’une certaine lenteur, ainsi un mouvement trop lent, nous paroit un repos veritable.
Les metaux blancs, sont de tous les corps opaques ceux qui deviennent le plus difficillement transparents, ce qui vient [31. | f. 301r] de l’excessive densité de leurs parties qui leur fait reflechir presque tous les rayons qui tombent sur leur premiere surface, car on a vû que plus la densité des corps, differe de celle du milieu qui les environne, plus la reflexion est abondante.
19.
Je ne repetteray point icy Pourquoy les metaux blancs deviennent si difficilement transparents les tables [65] que Mr. Neuton a donnéés de differentes epaisseurs qu’il a soupçonné aux particules des differents corps colorés. Celles qui forment le blanc des metaux, sont selon luy, les plus petites de toutes, si on en excepte les particules des corps noirs, et c'est là la raison pour laquelle Les particules du noir sont les plus petites de toutes le noir est la seulle couleur que les metaux blancs contractent par l’attrition de leurs parties, [66] et c’est aussi pourquoy le feu et la putrefaction donnent une couleur noire aux corps, car ils ne les dissolvent qu’en divisant leurs parties.
20.
Cette petitesse Pourquoy les corps noirs s'echaufent et s'enflament si aisement des particules du noir, est ce qui fait que (toutes choses d'ailleurs egales) les corps noirs sont ceux de tous les corps qui ont le moins de masse sous le mesme volume. C’est aussi pourquoy ils communiquent si aisément leur couleur aux autres corps; car ces particules deliées et discontinües, s’attachent aisément aux particules plus grossieres des autres corps[.] Les corps noirs sont encor ceux qui s’echaufent et qui s’enflamment le plus promptement, car leurs particules cedent aisément a l’action du feu, et de plus[,] les corps noirs agissent plus que les autres sur la lumiere, puisqu'ils l’eteignent, et l’absorbent presque toutes dans leur substance, ils doivent [33. | f. 302r] estre ceux sur lesquels le feu agit davantage. [69] Il en est de mesme des corps huïlleux et sulphureux, car la reaction est toujours egalle a l'action. [70]
Quoyque les corps noirs eteignent la plus grande partie de la lumiere qui tombe sur eux, ils reflechissent cependant toujours quelques rayons, comme je l’ay desja dit, il y a apparence qu'ils ne nous renvoient que ceux qui reviennent à nous d’auprés de leur premiere surface, et cela prouve encor que la couleur des corps opaques, depend des rayons qui nous reviennent d’entre leur pores; car cette lumiere Le noir est une privation de la lumiere que nous reflechissent les corps noirs receüe sur un papier, n’est pour ainsi dire d’aucune couleur, et paroit comme une espece de penombre tirant sur le violet noir. Ainsi le noir n’est en effet [34. | f. 302v] qu’une privation de lumiere. Voila pourquoy les corps noirs, nous le paroissent plus ou moins, selon que les corps qui les environnent, sont plus ou moins eclairés.
21.
L'arangement des particules constituantes des corps, la forme de ces particules, celle des pores qui les separent, la matiere qui passe dans les pores, tout cela doit sans doute apporter des changements sans nombre aux conjectures les plus justes que l’on peut former sur l’epaisseur necessaire aux particules des differents corps pour reflechir les differentes couleurs. Mais c'est encor baucoup pour nous d'avoir poussé si loin nos recherches. ./.
Fin de l'essay sur l'optique
[1] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste (1722). Édition en fac-similé par Maurice Solovine, Gauthier-Villars, Paris, 1955. Livre I, Def. 2. - La pagination de l’édition originale est erronée, comme indiqué dans l'Errata à la dernière page: "On a aussi marqué 442 la page qui devoit être 342; et ayant continué de marquer les suivantes sur ce pied-là, on a fait paroitre ce Livre de cent pages plus qu’il n’a : c’est aussi là toute la consequence de cette derniere méprise." L’édition en fac-similé de 1955 a corrigé cette erreur. Tout numéro de page indiqué de l'édition 1722 se réfère pour cela à l'édition fac-simile. , [2] Voir Météorologiques . , []= se réfractent[4] C’est l’aspect mécaniste de l’action des corps sur la lumière, ainsi que Newton la conçoit. Il a une conception mécaniste de la lumière, laquelle serait constituée de corpuscules. Dans la Section 14 des Principia, Livre I, il applique les lois du mouvement à ces corpuscules et retrouve avec satisfaction celles de l’optique géométrique: réflexion, réfraction, et même diffraction.[5] La réfrangibilité de la lumière dans un milieu transparent d’indice de réfraction n est une caractéristique de cette lumière (de cette couleur) dans ce milieu. Newton la nomme force réfringente, proportionnelle au nombre n2–1. Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 3, Prop. 9. , [6] La réfraction dépend de la couleur, au contraire de la réflexion; c’est ce phénomène de l’aberration chromatique de la lentille de verre qui est la cause de l’irisation gênante des images données par les lunettes astronomiques, et qui a incité Newton à fabriquer un télescope à réflexion sur un miroir sphérique.[]J'ay desja parlé des corps transparents colorés, ch. 2 art. 12. mais alors j'ay principa[lement] consideré ces corps par raport aux rayons qu'ils transmettent, et je me propose de faire voir l'analogie qu'il y a entre ces corps et les particules des corps opaques, ainsi je les considere considere icy plus particulierement par raport aux rayons qu'ils reflechissent.[]= indice de réfraction[9] Du Châtelet utilise le mot "densité" pour désigner deux notions très différentes, souvent pour l’indice de réfraction mais aussi parfois pour la densité volumique.[]= l'eau savonneuse[]= sans grande importance[]= la vérité vient des jeux des enfants et des nourrissons[13] Allusion to Ps. 8,3: Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem.[]= lunette astronomique[]= le rayon de la sphère[]= celles qui observent cette lame[]Les indices de réfraction sont 1,33 et 1 respectivement, soit 4 pour 3.[18] Du Châtelet décrit les couleurs des lames minces dans son Abrégé de l’Optique, Chapitre 8. Voir aussi Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 1, Observ. 17, p. 243.. On dit aujourd’hui "franges d’interférence d’égale épaisseur". , []= indice de réfraction[]= et réciproquement[]= indice de réfraction[22] Ce rôle de l’attraction sur la lumière sera réfuté en 1746 par Leonhard Euler dans Nova theoria lucis et colorum (Acad. royale des Sciences, Berlin). À la différence de Newton, Euler pense que la lumière a une nature ondulatoire.[23] Du Châtelet décrit l’expérience dite aujourd’hui des "anneaux de Newton", voir Traité d'optique, trad. P. Coste, 1722, Livre II, Partie 1. , [24] Il s’agit ici de l’expérience dite aujourd’hui des "anneaux de Newton". Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 1, p. 218. , [25] La "théorie" de Newton concernant ce qu’il nomme les accès (et "fits" en anglais, voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 3, Déf., après la Prop. 12, p. 331) est entièrement construite dans le but de justifier ses résultats expérimentaux. Ce n’est qu’au début du 19e siècle que le phénomène d’interférence des ondes lumineuses sera correctement expliqué, après les travaux de , Thomas Young en 1801 puis de Augustin Fresnel en 1815. Thomas Young (1773-1829), Augustin Fresnel (1788-1827). Thomas Young présente à la le 12 novembre 1801 un mémoire On the theory of light and colours, publié en 1802 dans les Philosophical Transactions. La première formulation du principe des interférences est dans la Proposition VIII, p. 34. Augustin Fresnel envoie à l’ en octobre 1815 un Complément au premier mémoire sur la diffraction dans lequel il critique les explications de Newton sur les franges données par des lames minces (Mémoire publié en 1866 dans les Oeuvres complètes de , tome I, p. 41-60).[26] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 1, Observ. 13, p. 239. , [27] D’où provient cette affirmation car Newton n’évoque pas cet aspect quantitatif.[](note 8) Les rayons violets etant dans tous les cas ceux sur les quels les corps agissent le plus, le violet doit etre plus dilaté dans l'image du prisme, et plus contracté dans les anneaux colorés des lames minces, car dans le premier cas le prisme separe les rayons, et dans le second la lame mince les reflechit, donc etc.[29] On montre aujourd’hui par la géométrie que les carrés des rayons des anneaux sombres sont comme les nombres pairs et ceux des anneaux clairs sont comme les nombres impairs : r2(sombre) = 2k×K et r2(clair) = (2k+1)×K où k est un nombre entier, et K dépend du rayon de courbure de la lentille, de l’indice de réfraction du milieu situé entre le verre et le plan (1,33 si eau et 1 si air), et de la couleur de la lumière employée dans l’expérience. Et K = R.λ /(2n) où R est le rayon de courbure de la lentille et λ la longueur d’onde de la lumière.[]= à la lumière du jour, polychromatique[]= terne[] Un ajout sur les versions Paris1 et Paris2, déjà présent dans la version de Bâle.[33] Du Châtelet emploie à la fois les mots lame et particule pour désigner R et r.[]= indice de réfraction[]= plus grand indice de réfraction[]= indice de réfraction[]= indice de réfraction[]= sont moins vives[39] Voir Principia, Livre III, Règle 3: "nec a naturae analogia recedendum est, cum ea simplex esse soleat et sibi semper consona" que Du Châtelet a traduit (manuscrit f. 282, , Principes mathématiques de la philosophie naturelle, éd. M. Toulmonde, 2015, tome 2, p. 247: "on ne [doit] point abandoner l’analogie de la nature qui est toujours simple et semblable à elle meme". /[40] Voir la traduction par Du Châtelet de la Règle 3 du Livre III des Principia; manuscrit f. 282, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, éd. M. Toulmonde, 2015, tome 2, p. 247. /[41] = dissolvant ainsi nommé par les alchimistes à cause de la vertu dissolvante qu’on attribuait autrefois au sang menstruel) ou liqueur propre à dissoudre les corps solides (voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Question 31, p. 479.. Pour l'étymologie, voir avant tout , Trésor de la Langue Française informatisé (TLFI), s. v. "menstrues". Autre référence dans le Dictionnaire de la langue française de Émile Littré (1872): "Menstrue, substantif masculin, terme de chimie: liqueur propre à dissoudre les corps solides. Exemple: l’eau régale est le menstrue de l’or." [rem.: l’eau régale (= royale) est un mélange d’acide chlorhydrique (HCl) et d’acide nitrique (HNO3) très concentrés]. Le mot "menstrues" n’est pas présent dans la Question 31 de l’Optique, édition de 1722 (p. 479), ni dans l’édition anglaise de 1730 (éd. Dover 1979, p. 395). Il est écrit dans le manuscrit Paris1 (0331), dans Paris2 (0383) et dans la version de Bâle (p. 13). Il est également présent dans la traduction française de Jean-Paul Marat (Optique de Newton, Paris, 1787): "Puisque dans les dissolutions métalliques, les menstrues n’attirent qu’en petit nombre les parties du métal, leur force attractive ne peut s’étendre qu’à petite distance." (Question 31). Le mot "menstrues" est présent dans l’Optique, Livre II, Partie 3, Prop. VII, p. 301 de l’édition de 1722, ainsi que p. 259 de l’édition anglaise de 1730.[]= densité volumique[]Quand meme on admettroit pas dans la lumiere les accés de facile transmission et de facile reflexion[,] cela n'en seroit pas moins vrai, car quelque soit la cause qui porte le rayon à se reflechir ou à se transmettre[,] il n'en est pas moins certain que trouvant sa transmission ou sa reflexi[on] interrompüe par la diferente densité de cette particule amincie[,] il doit se transmet[tre] au lieu de se reflechir ou se reflechir au lieu de se transmettre selon les combinaisons indiquées dans l'article.[44] L’explication de Du Châtelet n’est pas convaincante, elle s’appuie sur l’affirmation de la véracité des "accès"; d’ailleurs, elle semble bien en douter dans la note 9.[45] L’influence de la dimension des "pores" sur la transparence des corps est erronée.[46] Du Châtelet se moque de ce finalisme anthropocentrique; Voltaire le fera également en 1759 dans Candide en écrivant "les nez ont été faits pour porter des lunettes; aussi avons-nous des lunettes." (Chap. 1). Plus tard, Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) écrira "les melons sont divisés par côtes [par la nature] et semblent destinés à être mangés en famille." (Études de la nature, 1784, XI, p. 574).[]L’iridescence est un phénomène d’interférences lumineuses qui fait que certaines surfaces semblent changer de couleur selon la position de l’oeil qui les regarde, et les rend irisées.[]Voir par exemple les reflets de la soie d’un tapis, qui changent de couleur selon la position de l’oeil.[]= usure par frottement[50] On sait aujourd'hui que la couleur bleue du ciel provient de la diffusion de la lumière solaire par les molécules (diazote, dioxygène) de l’air. Le bleu est environ 16 fois plus diffusé que le rouge, d’où la dominante bleue du ciel serein. Quand on regarde le Soleil à son lever ou à son coucher, au ras de l’horizon, seules les couleurs rouge et orangé nous parviennent directement car le reste du spectre solaire (vert, bleu) est fortement diffusé dans l’atmosphère. La coloration blanche des nuages est due à la diffusion de la lumière par les gouttelettes d’eau en suspension.[51] L’explication n’est pas correcte; il s’agit de la modification chimique des molécules des pigments de la plante quand elle cesse d’effectuer la fonction chlorophyllienne.[52] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 3, Prop. 5, p. 293. Cet effet avait déjà été observé par , Robert Hooke (1635-1703) et noté dans sa Micrographia: or some Physiological descriptions of minute bodies made by magnifying glasses with observations and inquiries thereupon, Londres, 1665, p. 73 dans le chapitre "Observ. X. Of Metalline and other real colours."[]= indice de réfraction[]= indice de réfraction[55] = pigment bleu, obtenu en broyant du lapis-lazuli, autrefois importé d’au-delà des mers (Chine, Afghanistan).[] = sulfure de mercure, de couleur rouge[]= à la lumière du jour, lumière solaire[]= éthanol, alcool éthylique, que l’on enflamme[59] On ne connaîtra la nature des étoiles qu’à la fin du XIXe siècle, par l’analyse spectrale de leur lumière.[60] Du Châtelet fait allusion au début du Scholie général des Principia, à la fin du Livre III, où Newton parle d’un Être infini, universel, éternel, qu’il nomme Pantocrator et il ajoute (traduction de Du Châtelet) que "tout doit être soumis à un seul et même Être, surtout par la ressemblance de la lumière des étoiles fixes avec celle de notre Soleil." (Principes mathématiques de la philosophie naturelle, éd. M. Toulmonde, 2015, t. 2, p. 483.)[]= dissemblables[62] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), notamment Livre I, Partie 2, Expérience X (p.159); Proposition VII (p.179) et passim. , []= densité volumique[]= indice de réfraction[65] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), p. 266, et la Table 5 de l' , Abrégé de l’Optique, Chapitre 8.[66] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 3, Proposition VII (p. 303). , []Par attrition, le poli des métaux est détruit, ils réfléchissent donc moins bien la lumière que lorsque leur surface est bien lisse, c’est pourquoi ils paraissent sombres ou noirs. Le feu donne une couleur noire aux corps car ils sont alors transformés en carbone, lequel ne réfléchit que très peu de lumière, d’où la couleur noire des matériaux brûlés.[]= qui ont une plus faible masse volumique[69] Cette remarque n’est pas correcte, les corps noirs ne s’enflamment pas si aisément que cela.[70] Voir Traité d’optique, trad. P. Coste, 1722 (éd. facs. 1955), Livre II, Partie 3, p. 324 f. ("toute action est reciproque") et Livre III, Question 29, p. 446. ,