Commentaire et traduction de la Fable des abeilles de Mandeville. Premier jet de la Préface du traducteur.
How to cite
Du Châtelet, Émilie: Commentaire et traduction de la Fable des abeilles de Mandeville. Premier jet de la Préface du traducteur. The Saint Petersburg Manuscripts. A Critical and Historical Online Edition (2020-2023). Edited by Ruth E. Hagengruber, Andrew Brown, Stefanie Ertz, Ulla Kölving, with an English translation by Felicia Gottmann.
Edition Principles
Electronic edition provided by the Center for the History of Women Philosophers and Scientists, University of Paderborn, in cooperation with the National Library of Russia, Saint Petersburg, and the Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire.
Transcription, encoding, annotations by Andrew Brown, Ulla Kölving.
Presentation
This is the earliest known version of the “Préface du traducteur” to Émilie Du Châtelet’s translation of Mandeville’s The Fable of the bees, entitled simply “Preface”. For a discussion of the possible date of composition, see the introduction to the final version . This early version is closer to Émilie Du Châtelet’s personal experience at Cirey – Voltaire is more present and some examples chosen appear to relate to the ongoing work on the garden – and it could date from late 1734 or early 1735. It should also be noted that there is as yet no open mention, in this text, of Mandeville and his The Fable of the bees.
Manuscripts
MS1: National Library of Russia, Saint Petersburg, Voltaire Library, 5-240, vol. 9, f. 217-228.
The manuscript, 18.3 x 23 cm, consists of twelve leaves. Ten are numbered 1 to 10, 9 (f. 224) being blank apart from the number. Leaves 9 and 8 have been transposed, no doubt during the binding. Folios 225 and 228 are also blank. The paper appears to be identical to that used for the manuscript of the Traité de métaphysique.
It is in the hand of an unidentified scribe who also worked on the Remarques critiques sur la Genèse et l’Exode, f. 230v-236r[A] and the Traité de métaphysique, p. 1-75 .
The main text is presented on the left hand side of the page, the right being reserved for additions and corrections, of which there are many. Some of these corrections are in the hand of the scribe but the majority are in that of Émilie Du Châtelet, apparently made at different times. These are recorded in the critical apparatus, two longer variants being relegated to the appendixes. They all bear witness to her search for the correct formula, the exact expression, some passages have been moved around one, two, even three times.
To consult the original text of the manuscript before the corrections and alterations made by Émilie Du Châtelet and the scribe, see appendix 3 below.
Several later manuscripts are known, see the edition of the translation of Mandeville’s The Fable of the bees .
References
BV Bibliothèque de Voltaire. Catalogue des livres, ed. M. P. Alekseev and T. N. Kopreeva, Moscou, Leningrad, Éditions de l’Académie des sciences de l’URSS, 1961.
E La Correspondance d’Émilie Du Châtelet, ed. Ulla Kölving, Andrew Brown et al., Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2018, 2 vol.
Havens & Torrey, Ferney catalogue Voltaire’s catalogue of his library at Ferney, edited for the first time by George R. Havens and Norman L. Torrey, Genève, Institut et musée Voltaire, 1959 (Studies on Voltaire and the eighteenth century 9).
Jean Terrasson, The Life of Sethos. Taken from private memoirs of the ancient Egyptians. Translated from a Greek manuscript into French. And now faithfully done into English from the Paris edition; by Mr. Lediard, London, J. Walthoe, 1732, 2 vol.
Jean Terrasson, Sethos, histoire ou vie tirée des monumens anecdotes de l’ancienne Égypte. Traduite d’un manuscrit grec, Paris, Jacques Guerin 1731, 2 vol.
OCV Voltaire, Œuvres complètes, ed. Th. Besterman et al., Genève, Banbury, Oxford, 1968-.
D Voltaire, Correspondence and related documents, OCV, t. 85-135, 1968-1977.
Voltaire, Impromptu, ed. Ralph A. Nablow, OCV, vol. 16, 2003, p. 434-437.
Voltaire, Le Temple du Goût, ed. Owen R. Taylor, OCV, vol. 9, 1999, p. 25-256.
Voltaire, Zaïre, ed. Eva Jacobs, OCV, vol. 8, 1988, p. 273-526.
The Works of the Earls of Rochester, Roscomon, and Dorset: the Dukes of Devonshire, Buckinghamshire, &c. With memoirs of their lives, etc., London, 1731.
[A] Voltaire library, 8-221, a volume entitled Examen de la religion chrétienne, f. 230v-236r. See Émilie Du Châtelet, Examens de la Bible, ed. Bertram Eugene Scxhwarzbach, Paris, Honoré Champion, 2011, p. 92-96 et 971-979.
* * * * *
[1 | f. 217r] Preface
il faut penser sans MS1: <foi> quoy [corr.
EDC]quoy l’homme devient
un animal, un franc cheval de
somme. [1]
Cette verité m’a fait naitre le desir d’exercer ma faculté de penser, j’ay senti par mon experience que l’esprit se roüille plus aisement que le fer, mais qu’il est bien plus dificille de luy rendre son premier poli. Et depuis que j’ay commencé à vivre avec moy et à faire attention au prix du tems, MS1: <et> à [del. EDC]à la brieveté de la vie, et à l’inutilité des choses MS1: aux qu’elles [corr. eds.]auxquelles on la passe dans le monde, je me suis étonnée d’avoir perdu un tems si pretieux, d’avoir eü un MS1: soin<s> [corr. EDC]soin extrême de mes dents, de mes cheveux, et d’avoir negligé mon esprit, et mon entendement, mais des reflections si sensées ne rendent pas à MS1: <notre esprit> l’ame [corr. sup. EDC]l’ame cette flexibilité que le manque d’exercice luy ote. Les fakirs MS1: des Indes [add. marg. EDC]des Indes perdent l’usage des muscles de leurs bras à force de les laisser dans la meme posture, et de ne s’en pas servir, ausi perd t’on ses idées faute MS1: d’exercice, <et surtout la faculté d’arester son esprit à certaines idées> [del. EDC]d’exercice, voulant donc, [f. 217v] s’il est possible, replier cet arbre deja trop avancé, et tacher en émondant les branches inutiles [2] et en le cultivant avec soin de luy faire porter les fruits MS1: <qu’on peut s’en promettre,> qu’il peut <porter> donner encore [corr. sup. EDC]qu’il peut donner encore[.] J’ay cherché quelque genre d’ocupation qui put (sans l’absorber entierment) luy donner cette consistance qu’on n’aquiert jamais en ne se proposant pas un but dans ses études[.] Il faut MS1: <si> s’y [corr. EDC]s’y conduire MS1: <à peu prés> comme [del. EDC]comme dans la vie civile, bien savoir ce qu’on veut etre, l’irresolution produisant dans l’une les fausses demarches, et dans l’autre les idées confuses. [3]
MS1: à la ligne [add. marg. EDC]Ceux qui ont receu de la nature un talent bien decidé n’ont qu’à se laisser aller à l’impulsion de leur genie, mais il est peu de ces ames qu’elle conduit par la main dans le champ qu’elles doivent defricher ou embellir. MS1: <il est encor moins de de ces ames universelles, qui ont en elles le germe de tous les talens et qui par la superiorité de leur esprit, et par la force de leur genie etant au dessus de tous les arts, embrassent, conçoivent, et executent tout, <mais> cependant ces <ames> genies si uniques et qui paroissent <la marque à laquelle> le chef d’œuvre du createur l’ouvrier universel a voulu qu’on reconnut son ouvrage atteignent cependant la perfection d’un <seul> art avec plus de facilité et en font pour ainsi dire leur favori. Ainsi V. quoyque grand metaphisicien, grand historien, grand philosophe, &c a donné la preferance a la poésie, et l’epitete du plus grand poëte français sera ausi bien son caracterre distinctif que celuy d’homme universel> Il est encore [...] de tous les talens [after correction of the initial text, corr. in the margin EDC, runs on to the end of the paragraph, with a marker for a new paragraph]Il est encore moins de ces genies sublimes qui ont en eux le germe de tous les talens MS1: <et qui etant au dessus de ceux meme qui pouvoient> et dont [del. EDC]et dont la superiorité embrasse, et execute tout[.] Ceux MS1: meme [add. sup. EDC]meme qui pouvoient pretendre à la monarchie universelle des beaux arts atteignent la perfection d’un seul avec plus de facilité et en font pour ainsi dire leur favori. [4]
[2 | f. 218r] Il MS1: <Ainsi> il arrive <ainsi> [del. EDC]arrive quelque fois que le travail et l’etude MS1: <forcent le génie à se déclarer> tienent lieu de genie [corr. sup. EDC]tienent lieu de genie comme ces fruits que l’art fait eclore dans un terrain pour lequel la nature ne les avoit pas faits, mais ces eforts de l’art sont presque ausi rares que le genie naturel, MS1: <et> le [del. EDC]le plus grand nombre des gens pensans (car les autres sont une espece à part) sont ceux qui ont MS1: besoin<s> [corr. EDC]besoin de chercher en eux MS1: <la trace de leur genie> leur talent [corr. sup. EDC]leur talent, ils connoissent les dificultés de chaque art et les fautes de ceux qui en courrent la MS1: carriere<s> [corr. EDC]carriere, mais le courage qui n’en est pas rebuté, et MS1: <cette superiorité> qui [del. EDC]qui les fait franchir, leur MS1: <est> a eté [corr. sup. EDC]a été MS1: refusé. <On peut dire des arts comme du paradis mais sunt plures man<t>siones in domo patris mei <des arts> et ils trouvent encor leur compte dans les lettres> [text several times corrected and recorrected EDC, in part in the margin]refusé. [f. 218v] MS1: <dans cette médiocrité qui (meme parmi les eslus) est> La mediocrité est [corr. sup. EDC]La mediocrité est (meme parmi les eslus) le partage du plus grand nombre, les uns s’ocupent à arracher les epines qui retarderoient les vrais genies dans leur course, et c’est ce qui procure tant de dictionaires et d’ouvrages de cette MS1: <nature> espece [corr. sup. EDC]espece qui sont d’un si grand secours dans la litterature ; il faut bien broyer les couleurs des grands peintres. Les autres rendent compte periodiquement au public de tout ce qui se passe dans la republique des MS1: lettres, <et c’est ce que fait les journalistes> [del. EDC]lettres[.] Je sais qu’un excellent journal demanderoit un esprit superieur, mais c’est precisement ce qui fait qu’il y en a si peu de bons. L’academie des sciences est la seule dont l’histoire soit faite par une plume également savante, et legere, cette histoire sufiroit pour immortaliser et la societé, et l’ecrivain si l’une et l’autre n’etoient pas d’ailleurs assurés de l’immortalité. Enfin d’autres transmettent d’un pays à un autre les decouvertes, et les pensées des grans hommes MS1: <ils> et [corr. sup. EDC]et remedient autant qu’il [3 | f. 219r] est en eux à ce malheur MS1: <tant de fois déploré par les vrais amateurs, j’entens la multiplicité des langues.> de la multiplicité des langues [...] vrais amateurs [corr. sup. and marg. EDC, followed by a marker without corresponding text]de la multiplicité des langues tant de fois deploré par les vrais amateurs. [5]
Je sais que c’est rendre un plus grand service à son pays de luy donner des richesses qu’il ne doive qu’à son propre fonds, et que celuy qui a établi la manufacture des draps de Van Robez [6] a eté plus utile à la France que celuy qui a fait venir MS1: <le premier> le premier [del. EDC, repetition]le premier des draps d’Angletere, MS1: <mais je l’ay deja dit, sunt plures mentiones> mais [corr. sup. EDC]mais il faut tacher de faire valoir MS1: <son petit fonds> le peu qu’on a reçu en partage [corr. sup. EDC]le peu qu’on a reçu en partage et ne pas MS1: <entrer> entrer [del. EDC, repetition]entrer en desespoir parcequ’on n’a que deux arpens à cultiver, et qu’il y a des gens qui ont dix lieues de pays. MS1: <On peut dire des arts come du paradis> On peut apliquer aux arts ce <qu’il y a> ce passage de l’évangile sunt plures mantiones in domo patris mei. [with marker for add. marg. EDC]On peut apliquer aux arts ce passage de l’évangile sunt plures mansiones in domo patris mei. [7] Il vaux mieux donner une bonne traduction d’un livre anglais ou italien estimé, que de faire un mauvais livre français. Les traducteurs sont les negotians de la republique des lettres, et ils meritent du moins cette louange qu’ils sentent et connoisent leurs forces, et qu’ils n’entreprenent point de produire d’eux meme, et de porter un fardeau sous lequel ils succomberoient. MS1: D’ailleurs [...] moins de gloire. [marker for text added in the margin by scribe]D’ailleurs si leur ouvrage ne demande pas ce MS1: <premier> genie [del. EDC]genie createur qui tient sans doute le premier rang dans l’empire des beaux arts, il éxige une apliquation dont on doit leur scavoir d’autant plus de gré qu’ils en attendent MS1: <peu> moins [corr. sup. EDC]moins de MS1: gloire. <Les traductions sont comme les terasses dont on jouit sans faire attention au travail qu’elles ont couté> [del. EDC]gloire. [8] Il est MS1: <vrais> vrai [corr. EDC]vrai que rarement les ouvrages d’imagination [f. 219v] peuvent etre transmis de peuple à peuple et que pour bien traduire un bon poete il faudroit etre presque ausi bon poete que luy. [9]
Mais s’il est imposible d’avoir des mémoires MS1: bien fideles [add. sup. EDC]bien fideles de l’imagination des hommes, il ne l’est pas MS1: <d’avoir ceux> d’en avoir [corr. sup. EDC]d’en avoir de leur raison, et c’est MS1: <l’obligation> une des obligations [corr. marg. EDC]une des obligations qu’on a aux traducteurs[.] Ainsi si la nature humaine en general est redevable au sage M. Lock de luy avoir apris à connoître la plus belle partie d’elle meme, MS1: <je veux dire> son [del. EDC]son entendement[,] les Français le sont sans doute à M. de la Coste de leur avoir fait connoître ce grand philosophe. [10] Car combien de gens (meme parmi les lecteurs de Lock) ignorent la langue anglaise, et combien peu parmi ceux qui ont appris MS1: <une> cette [corr. EDC]cette langue de la philosophie moderne, seroient en etat d’entendre M. Lock en anglais, et de surmonter en meme tems les dificultés de la langue, et MS1: <celle> celles [corr. EDC]celles de la matiere.
De tous les ouvrages ceux de raisonnement me semblent les plus susceptibles d’une bonne traduction, la raison et la morale sont de MS1: tout pays <et le stile de ces sortes de livres est toujour bon pourveu qu’il soit clair<e>. Ce qu’on apelle> Le génie [del. EDC, with marker without corresponding text]tout pays[.] Le genie de la langue, ce fleau [4 | f. 220r] des traducteurs, MS1: <n’a point lieu dans des ouvrages où le fonds l’emporte tant sur la forme, je ne dis pas pour cela qu’il soit inutile qu’un livre de philosophie> se fait bien moins [...] livre de philosophie [marker with corresponding text, add. marg. et sup. EDC]se fait bien moins sentir dans des ouvrages ou MS1: <fons l’emporte tant sur la forme> les idées [del. EDC]les idées sont les seules choses qu’on ait à rendre, MS1: et [add. sup. EDC]et où les graces du stile, ne sont pas MS1: <sont une beauté> le [corr. sup. EDC]le premier merite, [11] je sais qu’il faut qu’un livre de philosophie soit bien ecrit, mais je crois que ce bien qui change de nature dans les differens genres, MS1: <dans celuy là>, consiste icy [corr. sup. EDC]consiste icy principalement, en trois choses, simplicité, clarté, et brieveté, je ne parle point de la methode car sans elle un livre ne peut etre ecrit avec clarté. [12]
Pour se resoudre à traduire il faut sans doute se bien persuader que c’est aux commentateurs et non aux traducteurs, qu’on a fait dire dans le Temple du goust[:]
Le goust n’est rien nous avons l’habitude
de rediger
au long de point en point
ce qu’on MS1: <pense> pensa [corr.
EDC]pensa mais nous ne pensons point. [13]
Le judicieux auteur de ce charmant ouvrage a bien senti la difference qu’il y a entre composer de gros volumes sur un passage de MS1: Dictis de [add. sup. EDC]Dictis de Crete qu’on n’entent point, et dont on MS1: <a> n’a [corr. EDC]n’a que faire, MS1: <et> ou [corr. sup. EDC]ou rendre propre à son pays les travaux et les decouvertes de tous les autres. [14]
Mais comme on abuse de tout, l’envie de gagner de l’argent MS1: <et la rage> et [corr. sup. EDC]et [f. 220v] d’etre imprimé a produit presqu’autant de mauvaises traductions que de mauvais livres, [15] MS1: [see below, Appendix 1]soit par la rage de traduire tout, soit par le peu de soin que l’on aporte à ces sortes d’ouvrages.
MS1: <Il y a bien des sortes <des> de traducteurs infidelles, les uns le sont par la dificulté de <[illegible]> qui se rencontre <qu’il y a> de saisir le sens d’un auteur, donnent à costé et rendent obscurement une pensée lumineuse que leur esprit n’a fait qu’entrevoir, les autres traduisent mot à mot et ils <ne pensent pouvoir assés que s’il ne leur est pas permis de l’etre,> devienent infidelles à force de le vouloir etre crainte> [add. marg. EDC replacing another text added in the margin, both of which have in their turn been corrected and amended before being struck out]Il y a bien des sortes de traducteurs infidels, les uns traduisant mot à mot le deviennent crainte de l’etre, les autres par la dificulté de savoir le sens de leur auteur, donnent à coté, et rendent obscurement une pensée lumineuse que leur esprit n’a fait qu’entrevoir, pour ceux [5 | f. 221r] qui mettent leurs sotises à la place de celles de l’auteur qu’ils traduisent. Je les regarde come les voyageurs qui abusent du proverbe, a beau mentir qui vient de loin. [16] Il n’y a gueres, je crois, que les traducteurs MS1: <des> des ouvrages en [corr. sup. EDC]des ouvrages en langues orientales qui soient tombés dans cet exces. [17]
[f. 220a] MS1: [we place here the following paragraph by EDC written on a small leaf, added between f. 220 et f. 221 without any indication of its intended position, the verso is blank]Si une bonne traduction n’est pas sans quelque dificulté il sembleroit du moins qu’il devroit etre aisé de choisir un bon livre pour l’objet de son travail. Cependant MS1: <rien de plus comun que <de voir paraitre> des traductions de livres qui sont oubliés avant d’etre traduits> on voit souvent [...] deja oublié [corr. sup. EDC]on voit souvent paroitre des traductions dont l’original est deja oublié. Les Anglais tombent encore plus souvent que nous dans cet inconvenient. Il n’y a gueres de mauvais livres français qu’ils ne traduisent temoin Sethos [18] et tant d’autres.
MS1: <S’il est dificile de donner une bonne> <Si une traduction seche ou peu exacte defigure les meilleurs livres> il semblerait qu’il devroit etre bien aisé Le mauvais choix de <l’auteur> du livre qu’on traduit defigure sans doute la meilleure traduction, ce defaut qui semble si aisé à éviter, est cependant trop comun parmi les traducteurs. Les Anglais y tombent encore plus souvent que nous, il n’i a gueres de mauvais livres francais qu’ils ne traduisent, temoin Sethos et l’on est tout étonné de voir dans les journaux qu’un livre deja oublié en France paroit traduit a Londres [this paragraph added by EDC in the margin follows a text which has been added, amended, then deleted]Le genie profond est serieux des Anglais devroit les rendre moins avides de nos livres qui sont frivoles pour la plupart en [f. 221v] comparaison des leurs, il me semble qu’on pouroit apliquer à ceux là ce que le comte de Roscomon a dit de nos vers que tout l’or MS1: <de France> d’une ligne [corr. sup. EDC]d’une ligne [note : le mot line en anglais signifie ligne et vers, -egalement] anglaise tirée à la filiere française rempliroit plusieurs pages.
The weighti bullion of one Sterling
line
drawto a french wire would
through all pages shine
[19]
Je crois que ce qui rend les traductions si comunes chés eux, c’est que l’etude du français faisant partie de leur education, il y a plus de gens parmi eux à portée de MS1: traduire. <Quelque peu de merite qu’il y ait dans la meilleure traduction, il semble qu’il est bien hardi à moi d’en entreprendre une> [del. EDC]traduire. MS1: Les difficultez [..] hardi a moi d’y pretendre [marker to bring in text from following page EDC]Les dificultez de chaque art sont pour les artistes ce que les circonstances MS1: <les> des [corr. EDC]des plus petits evenemens sont pour les MS1: <témoins [illegible]> contemporains [del. EDC]contemporains, l’interest qu’ils y prennent et le point de vuë dont ils les envisagent grossisent aux uns et aux autres les objets, la posterité et le public en jugent bien diferement[.] Ainsi quoiqu’il soit vray de dire qu’une bonne traduction demande de l’aplication et du travail, il est certain cependant que la meilleure est toujours un ouvrage d’un merite fort mediocre, mais quelque mediocre qu’il soit il me semble qu’il est bien hardi à moi d’y pretendre et je sens tout le poids du prejugé qui nous exclut si universellement des sciences, il y a de grans MS1: [a marker sends us back to the scribe’s original text]pays dont la loy nous permet de regler la destinée mais MS1: <il> <qu’il> il [corr sup. EDC]il n’y en a point [6 | f. 222r] où nous soyons elevés à penser. [20]
On ne s’etonne point assez de voir l’esprit comun parmi les femmes, et les talens MS1: rares. <l’education ne sert, il est vray que de faire de la pluspart d’entre elles des automates malins, et brillans, mais etoufferoit le vray genie; l’exemple de celles qui ont surmonté tous les prejugéz pour entrer dans la cariere semble dire le contraire[.] On a vû une madame Dacier, une madame Deshoulieres ne se point faire une honte de penser, mais l’une n’étoit que savante, et l’autre n’a servi peut etre qu’à faire conclure que notre sexe peut avoir de l’agrement, et de la subtilité, mais que la nature nous a refusé les talens>. [del. EDC]rares[.] Qu’on fasse un peu reflection pour quoy depuis tant de siecles, jamais une bonne tragedie, un bon poëme, une histoire estimée, un bon tableau, un bon livre de geometrie est sorti de la main des femmes, pourquoy ces creatures dont l’entendement paroit en tout si semblable à celuy des hommes MS1: <semble> semblent [corr. EDC]semblent pourtant MS1: <arestée> arestées [corr.]arestées par une force invincible en deça de la barriere, et qu’on m’en donne la raison si l’on peut. [f. 222v] Je laisse aux naturalistes à en chercher une phisique mais jusqu’à ce qu’ils l’ayent MS1: trouvée<s> [corr. EDC]trouvée les femmes seront en droit de reclamer contre leur éducation[.] Pour moy j’avoue que si MS1: <j’etoit> j’etois [corr. EDC]j’etois roy, je voudrois faire cette experience de phisique. Je reformerois un MS1: <si grand> abus [del. EDC]abus qui retranche pour ainsi dire une MS1: <moitiés> moitié [corr. EDC]moitié du genre humain. MS1: <Je regarderois cela comme un des plus grans bien que je puisse faire aux hommes, j’etablirois des colleges pour les femmes et> Je <les> ferois participer les femmes [corr. EDC]Je ferois participer les femmes à tous les droits de l’humanité, et sur tout à MS1: <tous> ceux [del. EDC]ceux de l’esprit[.] Il semble qu’elles soyent nées pour tromper, MS1: et [add. sup. EDC]et on ne laisse guerre que cette exercice à leur ame[.] MS1: <cela> Cette education nouvelle [add. sup. EDC]Cette education nouvelle feroit en tout un grand bien à l’espece humaine, MS1: les femmes en vaudroient mieux <et> [add. marg. EDC]les femmes en vaudroient mieux, les hommes y MS1: <gagneroient un> gagneroient un [corr sup. EDC, repetition]gagneroient un nouveau sujet d’emulation, et MS1: <le commerce des femmes> notre commerce [corr. sup. EDC]notre commerce qui en polissant leur esprit l’affaiblit et le retrecit trop souvent ne serviroit MS1: <au contraire> alors [corr. sup. EDC]alors qu’à etendre leurs connaissances, et à leur faire desirer d’en aquerir de nouvelles. On me dira sans doute MS1: <qu’il faudroit> que je devrois [corr. sup. EDC]que je devrois prier M. l’abbé de St Piere [7 | f. 223r] de joindre ce projet MS1: au [corr. eds.]aux siens. [21] MS1: <il est à regarder [illegible] (je le sens bien) mais quoi qu’il peut etre> Il poura [...] quoiqu’il soit peut etre [corr. sup. EDC]Il poura paroitre d’une execution aussi difficile quoiqu’il soit peut etre plus raisonnable. [22]
MS1: [paragraph added in the margin, with marker EDC]Une reflexion qui m’a toujours étonnée c’est que MS1: la [add. eds.]la MS1: comédie est [add. sup. EDC]comédie est la seule profession qui exige quelqu’étude et quelque culture d’esprit dans laquelle les femmes soient admises, et MS1: que [add. sup. EDC]que c’est en meme tems la seule qui soit declarée MS1: infame. <[illegible] et les etudes les plus utiles et les une chose qui m’a toujours étonné c’est que pendant qui l’usage interdit aux femmes les etudes les plus respectables et les plus utiles, la comedie, cette profession declarée infame, leur est cependant permise> [del. EDC; back to main text]infame[.] [23]
Je suis persuadée que bien des femmes ou ignorent leurs talens par le vice de leur education, ou l’enfoüissent par MS1: prejuge<s> [corr. EDC]prejugé MS1: <ou> et [corr. sup. EDC]et faute de courage dans l’esprit, ce que j’ay eprouvé en moy me confirme dans cette opinion. Le hazard m’a fait connoitre des gens de lettres qui ont MS1: <prit> pris [corr. EDC]pris de l’amitié pour moy, et j’ay veu avec un etonnement extrême qu’ils en faisoient quelques cas. Je commençai à croire alors que j’etois une creature pensante, mais je ne fis que l’entrevoir et le monde, la dissipation, la parure pour lesquels MS1: seuls [add. sup. EDC]seuls je me croyois faite emportant tout mon tems, et toute mon ame, je ne l’ay MS1: cru<s que> bien [del. EDC]cru bien serieusement que dans un age où il est encore tems de devenir raisonable mais où il ne l’est plus d’acquerir des MS1: [see below, Appendix 2]talens.
[8 | f. 226r] MS1: [this paragraph added by EDC in the margin, with a marker back to f. 223r]Cette reflection ne m’a point MS1: decouragée <et bien persuadée qu’il m> [del. EDC]decouragée. Je me suis trouvée encore bien heureuse d’avoir MS1: <senti> renoncé [corr. sup. EDC]renoncé au milieu de ma course MS1: <ce que tant de femmes ignorent> aux choses frivoles [...] des femmes [corr. sup. EDC]aux choses frivoles qui occupent la pluspart des femmes toute leur vie, voulant donc employer ce qui m’en reste à cultiver mon ame. Mon estime pour les Anglais et le gout que j’ay toujours eü pour la facon libre et masle de penser et de s’exprimer de ce peuple philosophe MS1: <m’a> m’ont [corr. sup. EDC]m’ont determiné au genre de travail MS1: <que j’entreprens> <j’ai trouvé> que j’entreprens [corr. sup. EDC]que je entreprens. [24]
[f. 227r] J’avoue qu’ayant eu la temerité d’entreprendre MS1: cette [corr. eds.]cet ouvrage j’ay celle de desirer d’y reussir, je me crois d’autant plus obligée d’y donner tous mes soins que le succés seul peut me justifier. Il faut dumoins que l’injustice [f. 227v] que les hommes ont eu de nous exclure de la littérature nous serve à nous MS1: <preserver> empêcher [corr. sup. EDC]empecher de faire de mauvais livres. Tachons d’avoir cet avantage sur MS1: <les hommes> eux [corr. sup. EDC]eux, et que cette espece de tirannie soit une heureuse necessité pour nous de ne laisser que notre nom, à condamner dans nos ouvrages. [25]
Appendix 1
Long variant to paragraph 12, partly illegible, arising from the suppression of several pages of text with holograph additions. These pages are replaced in the final version by “soit par la rage de traduire tout, soit par le peu de soin que l’on aporte à ces sortes d’ouvrages”.
<quelques uns par la dificulté de saisir le sens d’un auteur donnent souvent à costé, et rendent obscurement une pensée lumineuse que leur esprit esprit [sic] n’a fait qu’entrevoir, une exactitude trop scrupuleuse est encore un acuëil qu’il faut eviter, l’elegance du stile, la purté du langage, voila ce qu’il faut qu’un traducteur trouve dans son propre fonds, il ne luy est pas permis de toucher au dessein [replaced, then deleted in the margin: de toucher au dessein ils prennent donc le coloris[,] les autres par la dificulté à saisir le sens d’un auteur donnent à costé et rendent obscurement une pensée lumineuse que leur esprit n’a fait qu’entrevoir], mais c’est à luy de <il peut> donner le coloris.
La grande dificulté de ce genre d’ecrire est sans doute de trouver <un> le juste equivalent <milieu>, egalement eloigné de la secheresse d’une traduction litterale et de la liberté d’une paraphrase, et c’est plus tot à l’impuissanse qu’à la mauvaise foy que l’on doit imputer les fautes des traducteurs des langues europeanes, pour ceux des langues orientalles ils ont comme les voyageurs abusé de ce proverbe a beau mentir qui vient de loing. Ils mettent leurs sottise à la place de celles de leurs auteurs, d’autant plus volontiers que le peu de [5 | f. 221r] gens à portée de relever leur fautes leur en promet l’impunité.
Non seulment toute traduction ne merite pas d’etre lûë mais tout livre ne merite par d’etre traduit. Le mauvais choix est un defaut trop <le plus> commun <des> aux traducteurs. Les Anglais en cela portent encor plus loing que nous cet abus des traductions, il n’y a point de mauvais livre<s> français qu’ils ne traduisent, temoin Sethos, et tant d’autres, et l’on est tout etonné de voir dans les journaux qu’un livre deja oublié en France paroit traduit à Londres. Cela m’a toujour surpris pour deux raisons, la premiere qui seroit sans doute la meilleur, si le gout seul faisoit ecrire, c’est que nos livres etant la plus part des livres d’imagination et frivoles si je puis me servir de ce mot, en comparaison des livres anglais, ils sonts moins fait pour la traduction. Il en faut cependant exepté quelques histoires). Nous avons de meilleures tragedies qu’eux, <et> une sorte de poeme qu’ils n’ont point qui sont nos operas, mais nous n’avons je crois aucun philosophe à mettre à côté des leurs. Notre nation étant moins profondement pensante, nos livres sont moins profonds [f. 221v] et on peut leur apliquer ce que le comte de Roscomon a dit de nos vers que tout l’or d’une ligne anglaise tirée à la filiere française rempliroit plusieurs pages.
The maighti bullion of one sterling
line
draw to a French wire would
through all pages shine.
En second lieu il sembleroit que la langue française etant plus <en Angleterre> comune en Angletere que l’anglaise en France, les traductions devroient etre moins necessaires mais cette meme raison fait ausi qu’il y a plus de gens parmi eux à portée de traduire.
Quelque peu de merite qu’il y ait dans la meilleure traduction, il me semble qu’il est bien hardi à moy d’en entreprendre, mon sexe <sembleroit devoir> auroit du m’en detourner, <plus encor> autant que la mefiance de moymeme, car l’amour propre ne fournit que trop d’armes pour combattre cette derniere raison, mais en est il de bonnes contre l’usage qui nous exclut si universellement des sciences. Il y a de grans>
Appendix 2
Long variant to the end of paragraph 20, following “il ne l’est plus d’acquerir des talens.”, arising from the suppression of several pages of text with holograph additions.
<Je crois qu’il n’y a rien eu de perdu en moy, mais je ne pense pas de meme des autres femmes. La comedie est la seule profession qui demande quelqu’étude, et quelqu’art dont elles ne soyent pas exclues, on est bien [f. 223v] eloigné de faire attention à tout ce qu’il faut rassembler pour s’i distinguer, le peu qui atteignent à la perfection de leur art, prouvent ce me semble que ce n’est point une profession si meprisable. Il est certain que pour faire une excellente actrice il faut, outre les talens naturels[,] de la mémoire, de la voix, et de la figure, beaucoup d’etude et de travail, et d’assiduité. L’infamie MS1: <qu’on> que l’on [corr. scribe]que l’on a si injustement attachée à un art si dificile diminue bien la MS1: <gloire> vanité [corr. sup. EDC]vanité que MS1: <les femmes devroient avoir de forcer les hommes à admirer la façon dont quelques unes en fournissent la cariere> leurs succés pouroient leur donner [corr. sup. EDC]leurs succés pouroient leur donner.
MS1: Je sais [...] la profession. [added in the margin by scribe, with markers]Je sais que la facon dont les comediennes vivent est un sujet de declamation contre elle. Mais ce n’est point sur cela que l’anatheme est lancé, MS1: car [add. sup. EDC]car elles ne sont point excomunié en Italie. Plusieurs ont mené une vie tres decente et MS1: <d’ailleurs> il [del.]il y a d’ailleurs bien de la diference entre les mœurs et la profession. Non seulment cette MS1: <infamie> ignomie [corr. scribe]ignomi[ni]e diminue leur gloire mais elle diminue MS1: <leur> aussi leur [corr. sup. EDC]aussi leur nombre[.] Il y a sans doute beaucoup de sujets que leur famille force à devenir inutiles au genre humain dans un cloitre MS1: et [add. sup. EDC]et qu’elle MS1: <laisseroirent> laisseroit [corr.EDC]laisseroit en liberté d’exercer leurs talens, si loin de les deshonnorer cela MS1: faisoit <au contraire> [del. EDC]faisoit leur reputation et leur opulence. Ainsi si les hommes MS1: <écoutoit> écoutoient [corr. EDC]écoutoient la justice et l’interest de leur plaisir ils attacheroient quelque consideration a l’estat des personnes qui MS1: <le> se [corr. EDC]se [8 | f. 226r] vouent à leur procurer un amusement où ils trouvent souvent leur instruction.
N’est il pas de la MS1: derniere in justice [add. EDC in space left blank by scribe]derniere injustice que l’usage sous le beau nom de decence nous interdise les etudes les plus respectables, et nous permette cependant la seule profession savante à laquelle on MS1: <ait> a [corr. sup. EDC]a attaché une sorte d’infamie, et n’est il pas permis d’apeller à la raison d’une loy si bizare, j’avoue que cette reflection est une des plus MS1: fortes <raisons> [del. EDC]fortes qui m’a fait MS1: surmonter <surmonter> [corr. scribe, repetition]surmonter tous les prejugés qui sembloient s’opposer à mon travail.
Mon estime pour les Anglais, et le goust que j’ay toujour eü pour la façon libre et masle MS1: de penser et [add. sup. EDC]de penser et de s’exprimer de ce peuple philosophe, a fixé mon choix chez eux. J’ay trouvé les mœurs et la vie des hommes peintes dans MS1: <ce> le [corr. EDC]l livre que je traduis avec une force, et une verité qui m’a il me semble que nous MS1: <n’avons point de livre> n’en avons point [corr.sup. EDC]n’en avons point dans ce genre. [10> | f. 227r] Je n’ay pas toujour trouvé ses idées philosophiques bien justes, et j’ay pris la liberté de me rendre compte de mes doutes par de courtes nottes à l’original[.] Je me suis persuadée qu’ayant à vivre avec mon auteur il m’etoit permis d’user du droit des societés bien reglée où chacun peut dire son sentiment pourvû qu’on ne le soutienne que par des raisons[.]
J’ay MS1: <pris la liberté> ausi [corr. sup. EDC]ausi crû qu’il etoit necessaire de calculer si je puis me servir de ce MS1: <terme> livre [del. EDC]livre pour le meridien de mon pays par la meme raison que l’on s’habille à la mode de celuy où on arrive, le genie de la nation et ses mœurs particulieres etant une source continuelles de comparaisons et de metaphores qui ne peuvent etre agreables qu’au peuple de qui elles sont empruntées.>
Appendix 3
Reconstruction of the earliest known version of the preface, before the corrections made to MS1 by Émilie Du Châtelet.
[1 | f. 217r] il faut penser sans foi l’homme devient
un animal, un franc cheval de somme.
Cette verité m’a fait naitre le desir d’exercer ma faculté de penser, j’ay senti par mon experience que l’esprit se roüille plus aisement que le fer, mais qu’il est bien plus dificille de luy rendre son premier poli. Et depuis que j’ay commencé à vivre avec moy et à faire attention au prix du tems, et à la brieveté de la vie, et à l’inutilité des choses auxquelles on la passe dans le monde, je me suis étonnée d’avoir perdu un tems si pretieux, d’avoir eü un soins extrême de mes dents, de mes cheveux, et d’avoir negligé mon esprit, et mon entendement, mais des reflections si sensées ne rendent pas à notre esprit cette flexibilité que le manque d’exercice luy ote. Les fakirs perdent l’usage des muscles de leurs bras à force de les laisser dans la meme posture, et de ne s’en pas servir, ausi perd t’on ses idées faute d’exercice, et surtout la faculté d’arester son esprit à certaines idées, voulant donc, [f. 217v] s’il est possible, replier cet arbre deja trop avancé, et tacher en émondant les branches inutiles et en le cultivant avec soin de luy faire porter les fruits qu’on peut s’en promettre, j’ay cherché quelque genre d’ocupation qui put (sans l’absorber entierement) luy donner cette consistance qu’on n’aquiert jamais en ne se proposant pas un but dans ses études. Il faut si conduire à peu prés comme dans la vie civile, bien savoir ce qu’on veut etre, l’irresolution produisant dans l’une les fausses demarches, et dans l’autre les idées confuses. Ceux qui ont receu de la nature un talent bien decidé n’ont qu’à se laisser aller à l’impulsion de leur genie, mais il est peu de ces ames qu’elle conduit par la main dans le champ qu’elles doivent defricher ou embellir, il est encor moins de de [sic] ces ames universelles, qui ont en elles le germe de tous les talens et qui par la superiorité de leur esprit, et par la force de leur genie etant au dessus de tous les arts, embrassent, conçoivent, et [2 | f. 218r] executent tout, mais ces ames si uniques et qui paroissent la marque à la quelle l’ouvrier universel a voulu qu’on reconnut son ouvrage atteignent cependant la perfection d’un art avec plus de facilité et en font pour ainsi dire leur favori. Ainsi V. quoyque grand metaphisicien, grand historien, grand philosophe, &c a donné la preferance à la poesie, et l’epitete du plus grand poëte français sera aussi bien son caracterre distinctif que celuy d’homme universel. Il arrive ainsi quelque fois que le travail et l’etude forcent le génie à se déclarer comme ces fruits que l’art fait eclore dans un terrain pour lequel la nature ne les avoit pas faits, mais ces eforts de l’art sont presque ausi rares que le genie naturel, et le plus grand nombre des gens pensans (car les autres sont une espece à part) sont ceux qui ont besoins de chercher en eux la trace de leur genie, ils connoissent les dificultés de chaque art et les fautes de ceux qui en courrent la carrieres, mais le courage qui n’en est pas rebuté, et cette superiorité qui les fait franchir, leur est refusé. Sunt plures mantiones in domo patris mei les arts trouvent encor leur compte, [f. 218v] dans cette médiocrité qui (meme parmi les eslus) est le partage du plus grand nombre, les uns s’ocupent à arracher les epines qui retarderoient les vrais genies dans leur course, et c’est ce qui procure tant de dictionaires et d’ouvrages de cette nature qui sont d’un si grand secours dans la litterature ; il faut bien broyer les couleurs des grands peintres. Les autres rendent compte periodiquement au public de tout ce qui se passe dans la republique des lettres et c’est ce que fait les journalistes. Je sais qu’un excellent journal demanderoit un esprit superieur, mais c’est precisement ce qui fait qu’il y en a si peu de bons. L’academie des sciences est la seule dont l’histoire soit faite par une plume également savante, et legere, cette histoire sufiroit pour immortaliser et la societé, et l’ecrivain si l’une et l’autre n’etoient pas d’ailleurs assurés de l’immortalité. Enfin d’autres transmettent d’un pays à un autre les decouvertes, et les pensées des grans hommes. Ils remedient autant qu’il [3 | f. 219r] est en eux à ce malheur tant de fois déploré par les vrais amateurs, j’entens la multiplicité des langues.
Je sais que c’est rendre un plus grand service à son pays de luy donner des richesses qu’il ne doive qu’à son propre fonds, et que celuy qui a établi la manufacture des draps de Van Robez a eté plus utile à la France que celuy qui a fait venir le premier le premier [sic] des draps d’Angletere, mais je l’ay déjà dit, sunt plures mentiones il faut tacher de faire valoir son petit fonds, et ne pas entrer entrer [sic] en desespoir parcequ’on n’a que deux arpens à cultiver, et qu’il y a des gens qui ont dix lieues de pays. Il vaux mieux donner une bonne traduction d’un livre anglais ou italien estimé, que de faire un mauvais livre français. Les traducteurs sont les negotians de la republique des lettres, et ils meritent du moins cette louange qu’ils sentent et connoisent leurs forces et qu’ils n’entreprenent point de produire d’eux meme, et de porter un fardeau sous lequel ils succomberoient. Il est vrai que rarement les ouvrages d’imagination [f. 219v] peuvent etre transmis de peuple à peuple et que pour bien traduire un bon poete il faudroit etre presque ausi bon poete que luy.
Mais s’il est imposible d’avoir des mémoires de l’imagination des hommes, il ne l’est pas d’avoir ceux de leur raison, et c’est l’obligation qu’on a aux traducteurs, ainsi si la nature humaine en general est redevable au sage M. Lock de luy avoir apris à connoitre la plus belle partie d’elle meme, je veux dire son entendement, les Français le sont sans doute à M. de la Coste de leur avoir fait connoître ce grand philosophe. Car combien de gens (meme parmi les lecteurs de Lock) ignorent la langue anglaise, et combien peu parmi ceux qui ont appris une langue de la philosophie moderne, seroient en etat d’entendre M. Lock en anglais, et de surmonter en meme tems les dificultés de la langue, et celle de la matiere.
De tous les ouvrages ceux de raisonnement me semblent les plus susceptibles d’une bonne traduction, la raison et la morale sont de tout pays et le stile de ces sortes de livres est toujour bon pourveu qu’il soit claire. Ce qu’on apelle le génie de la langue, ce fleau [4 | f. 220r] des traducteurs, n’a point lieu dans des ouvrages où le fonds l’emporte tant sur la forme, je ne dis pas pour cela qu’il soit inutile qu’un livre de philosophie soit bien ecrit, mais je crois que ce bien qui change de nature dans les differens genres, dans celuy là, consiste principalement, en trois choses, simplicité, clarté, et brieveté, je ne parle point de la methode car sans elle un livre ne peut etre ecrit avec clarté.
Pour se resoudre à traduire il faut sans doute se bien persuader que c’est aux commentateurs et non aux traducteurs, qu’on a fait dire dans le Temple du goust
Le goust n’est rien nous avons l’habitude
de rediger
au long de point en point
ce qu’on pense mais nous ne pensons
point.
Le judicieux auteur de ce charmant ouvrage a bien senti la difference qu’il y a entre composer de gros volumes sur un passage de Crete qu’on n’entent point, et dont on n’a que faire, et rendre propre à son pays les travaux et les decouvertes de tous les autres.
Mais comme on abuse de tout, l’envie de gagner de l’argent et la rage [f. 220v] d’etre imprimé a produit presqu’autant de mauvaises traductions que de mauvais livres, quelques uns par la dificulté de saisir le sens d’un auteur donnent souvent à costé, et rendent obscurement une pensée lumineuse que leur esprit esprit [sic] n’a fait qu’entrevoir, une exactitude trop scrupuleuse est encore un acuëil qu’il faut eviter, l’elegance du stile, la purté du langage, voila ce qu’il faut qu’un traducteur trouve dans son propre fonds, l ne luy est pas permis de toucher au dessein mais c’est à luy de donner le coloris.
La grande dificulté de ce genre d’ecrire est sans doute de trouver le juste equivalent, egalement eloigné de la secheresse d’une traduction litterale et de la liberté d’une paraphrase, et c’est plus tot à l’impuissanse qu’à la mauvaise foy que l’on doit imputer les fautes des traducteurs des langues europeanes, pour ceux des langues orientalles ils ont comme les voyageurs abusé de ce proverbe a beau mentir qui vient de loing. Ils mettent leurs sottise à la place de celles de leurs auteurs, d’autant plus volontiers que le peu de [5 | f. 221r] gens à portée de relever leur fautes leur en promet l’impunité.
Non seulment toute traduction ne merite pas d’etre lûë mais tout livre ne merite par d’etre traduit. Le mauvais choix est un defaut le plus commun des traducteurs Anglais qui portent encor plus loing que nous cet abus des traductions, il n’y a point de mauvais livres français qu’ils ne traduisent, temoin Sethos, et tant d’autres, et l’on est tout etonné de voir dans les journaux qu’un livre déjà oublié en France paroit traduit à Londres. Cela m’a toujour surpris pour deux raisons, la premiere qui seroit sans doute la meilleur, si le gout seul faisoit ecrire, c’est que nos livres etant la plus part des livres d’imagination et frivoles si je puis me servir de ce mot, en comparaison des livres anglais, ils sonts moins fait pour la traduction. Il en faut cependant exepté quelques histoires. Nous avons de meilleures tragedies qu’eux, et une sorte de poeme qu’ils n’ont point qui sont nos operas, mais nous n’avons je crois aucun philosophe à mettre à côté des leurs. Notre nation étant moins profondement pensante, nos livres sont moins profonds [f. 221v] et on peut leur apliquer ce que le comte de Roscomon a dit de nos vers que tout l’or d’une ligne anglaise tirée à la filiere française rempliroit plusieurs pages.
The maighti bullion of one sterling line
draw to a
French wire would through all pages shine.
En second lieu il sembleroit que la langue française etant plus comune en Angletere que l’anglaise en France, les traductions devroient etre moins necessaires mais cette meme raison fait ausi qu’il y a plus de gens parmi eux à portée de traduire.
Quelque peu de merite qu’il y ait dans la meilleure traduction, il me semble qu’il est bien hardi à moy d’en entreprendre, mon sexe sembleroit devoir m’en detourner, plus encor que la mefiance de moymeme, car l’amour propre ne fournit que trop d’armes pour combattre cette derniere raison, mais en est il de bonnes contre l’usage qui nous exclut si universellement des sciences. Il y a de grans pays dont la loy nous permet de regler la destinée mais il n’en a point [6 | f. 222r] où nous soyons élevés à penser.
On ne s’etonne point assez de voir l’esprit comun parmi les femmes, et les talens rares, l’education ne sert, il est vray que de faire de la pluspart d’entre elles des automates malins, et brillans, mais etoufferoit le vray genie ; l’exemple de celles qui ont surmonté tous les prejugéz pour entrer dans la cariere semble dire le contraire. On a vû une madame Dacier, une madame Deshoulieres ne se point faire une honte de penser, mais l’une n’étoit que savante, et l’autre n’a servi peut etre qu’à faire conclure que notre sexe peut avoir de l’agrement, et de la subtilité, mais que la nature nous a refusé les talens.
Qu’on fasse un peu reflection pour quoy depuis tant de siecles, jamais une bonne tragedie, un bon poeme, une histoire estimée, un bon tableau, un bon livre de geometrie est sorti de la main des femmes, pourquoy ces creatures dont l’entendement paroit en tout si semblable à celuy des hommes semblent pourtant arestées par une force invincible en deça de la barriere, et qu’on m’en donne la raison si l’on peut. [f. 222v] Je laisse aux naturalistes à en chercher une phisique mais jusqu’à ce qu’ils l’ayent trouvées les femmes seront en droit de reclamer contre leur éducation, pour moy j’avoue que si j’etoit roy, je voudrois faire cette experience de phisique. Je reformerois un si grand abus qui retranche pour ainsi dire une moitié du genre humain. Je regarderois cela comme un des plus grans bien que je puisse faire aux hommes, j’etablirois des colleges pour les femmes et je les ferois participer à tous les droits de l’humanité, et sur tout à tous ceux de l’esprit. Il semble qu’elles soyent nées pour tromper, et on ne laisse guerre que cette exercice à leur ame. Cela feroit en tout un grand bien à l’espece humaine, les hommes y gagneroient un nouveau sujet d’emulation, et le commerce des femmes qui en polissant leur esprit l’affaiblit et le retrecit trop souvent ne serviroit au contraire à etendre leurs connaissances, et à leur faire desirer d’en aquerir de nouvelles. On me dira sans doute qu’il faudroit prier M. l’abbé de St Piere [7 | f. 223r] de joindre ce projet aux siens. Il est [illegible] je le sens bien quoiqu’il peut être plus raisonnable.
Je suis persuadée que bien des femmes ou ignorent leurs talens par le vice de leur education, ou l’enfoüissent par prejugés faute de courage dans l’esprit, ce que j’ay eprouvé en moy me confirme dans cette opinion. Le hazard m’a fait connoitre des gens de lettres qui ont prit de l’amitié pour moy, et j’ay veu avec un etonnement extrême qu’ils en faisoient quelques cas. Je commencai à croire alors que j’etois une creature pensante, mais je ne fis que l’entrevoir et le monde, la dissipation, la parure pour lesquels je me croyois faite emportant tout mon tems, et toute mon ame, je ne l’ay cru que bien serieusement que dans un age où il est encore tems de devenir raisonable mais où il ne l’est plus d’acquerir des talens. Je crois qu’il n’y a rien eu de perdu en moy, mais je ne pense pas de meme des autres femmes. La comedie est la seule profession qui demande quelqu’étude, et quelqu’art dont elles ne soyent pas exclues, on est bien [f. 223v] eloigné de faire attention à tout ce qu’il faut rassembler pour s’i distinguer, le peu qui atteignent à la perfection de leur art, prouvent ce me semble que ce n’est point une profession si meprisable. Il est certain que pour faire une excellente actrice il faut, outre les talens naturels de la mémoire, de la voix, et de la figure, beaucoup d’etude et de travail, et d’assiduité. L’infamie qu’on a si injustement attachée à un art si dificile diminue bien la gloire que les femmes devoient avoir de forcer les hommes à admirer la façon dont quelques unes en fournissent la cariere. Non seulment cete infamie diminue leur gloire mais elle diminue leur nombre, il y a sans doute beaucoup de sujets que leur famille force à devenir inutiles au genre humain dans un cloitre et qu’elle laisseroit en liberté d’exercer leurs talens, si loin de les deshonnorer cela faisoit au contraire leur reputation et leur opulence.
Ainsi si les hommes écoutoient la justice et l’interest de leur plaisir ils attacheroient quelque consideration a l’estat des personnes qui se [8 | f. 226r] vouent à leur procurer un amusement oû ils trouvent souvent leur instruction.
Or n’est il pas de la derniere injustice que l’usage sous le beau nom de decence nous interdise les etudes les plus respectables, et nous permette cependant la seule profession savante à laquelle on ait attaché une sorte d’infamie, et n’est il pas permis d’apeller à la raison d’une loy si bizare, j’avoue que cette reflection est une des plus fortes raisons qui m’a fait surmonter surmonter [sic] tous les prejugés qui sembloient s’opposer à mon travail.
Mon estime pour les Anglais, et le goust que j’ay toujour eü pour la façon libre et masle de s’exprimer de ce peuple philosophe, a fixé mon choix chez eux. J’ay trouvé les mœurs et la vie des hommes peintes dans ce livre que je traduis avec une force, et une verité qui m’a [blank] il me semble que nous n’avons point de livre dans ce genre. [10 | f. 227r] Je n’ay pas toujour trouvé ses idées philosophiques bien justes, et j’ay pris la liberté de me rendre compte de mes doutes par de courtes nottes à l’original. Je me suis persuadée qu’ayant à vivre avec mon auteur il m’etoit permis d’user du droit des societés bien reglée où chacun peut dire son sentiment pourvû qu’on ne le soutienne que par des raisons.
J’ay pris la liberté crû qu’il etoit necessaire de calculer si je puis me servir de ce terme le livre pour le meridien de mon pays par la meme raison que l’on s’habille à la mode de celuy où on arrive, le genie de la nation et ses mœurs particulieres etant une source continuelles de comparaisons et de metaphores qui ne peuvent etre agreables qu’au peuple de qui elles sont empruntées.
J’avoue qu’ayant eu la temerité d’entreprendre cette ouvrage j’ay celle de desirer d’y reussir, je me crois d’autant plus obligée d’y donner tous mes soins que le succés seul peut me justifier. Il faut dumoins que l’injustice [f. 227v] que les hommes ont eu de nous exclure de la littérature nous serve à nous preserver de faire de mauvais livres. Tachons d’avoir cet avantage sur les hommes, et que cette espece de tirannie soit une heureuse necessité pour nous de ne laisser que notre nom, à condamner dans nos ouvrages.
[1] Émilie Du Châtelet quotes, with an unrecorded variant, the first two lines of an Impromptu by Voltaire, which read: “Il faut penser, sans quoi l’homme devient / Un animal, un vrai cheval de somme” (OCV, vol. 16, p. 436). The editor of the Complete works suggests that this poem was written in 1736, but the autumn of 1734 seems more likely. These stanzas reflect the spirit of the other poems from the early Cirey period. This quotation disappears in the later versions.[2] This expression – “émonder les branches” – which could well be derived from work on the gardens at Cirey, was later suppressed.[3] This third paragraph corresponds to paragraphs 2 to 4 in the final version.[4] This fourth paragraph corresponds, after several modifications, to paragraph 5 in the final version, where a passage regarding Voltaire has however been added.[5] This fifth paragraph corresponds to paragraph 6 in the final version. We note that the passage regarding her old acqaintance Bernard Le Bouvier de Fontenelle and the Histoire de l’Académie royale des sciences, of which he was the editor in his capacity as perpetual secretary, has disappeared in the final version.[6] Émilie Du Châtelet here takes an example that is certainly familiar to her. The Manufacture royale de draps d’Abbeville, known as the Manufacture des Rames, had been created in Abbeville by Josse Van Robais (1630-1685) in 1665, on the initiative and with the privilege of Colbert. At its peak in the eighteenth century, it employed more than 1800 workers in the establishment itself and more than 10000 home workers. Voltaire has recently mentioned Van Robais in his “Épître dédicatoire” to Zaïre, published in 1733, see OCV, vol. 8, p. 400.[7] John, 14:2. Émilie Du Châtelet quotes from memory. The vulgate reads “In domo patris mei mansiones multae sunt” (“In my father’s house there are many mansions”).[8] Up to here this paragraph corresponds to paragraphs 7 to 9 in the final version, the last part of paragraph 9 being an addition to the initial draft version, in which a comparison – a reminder of the work at Cirey? – between translations and terrasses «dont on jouit sans faire attention au travail qu’elles ont couté» has later been suppressed.[9] A theme developed by Voltaire in the 22nd of the Lettres philosophiques, of which the English version appeared in 1733, and the French in 1734.[10] On 23 October 1734, Émilie Du Châtelet writes to Maupertuis: “je partage mon temps entre des maçons et Locke car je cherche le fond des choses comme un autre” (E29). No doubt she was then reading An essai concerning human understanding in the original English. The first edition had appeared in 1689, Voltaire had a copy of the “6th edition, with large additions”, London, A. and J. Churchill and S. Manship, 1710 (BV 2149). She had probably already read the translation by Pierre Coste (1668-1747), published in 1729: Essai philosophique concernant l’entendement humain, ou l’on montre quelle est l’etendue de nos connoissances certaines, et la maniere dont nous y parvenons. Par M. Locke. Traduit de l’anglois par M. Coste. Seconde édition, revûë, corrigée, & augmentée de quelques additions importantes de l’auteur qui n’ont paru qu’après sa mort, & de quelques remarques du traducteur, Amsterdam, Pierre Mortier, 1729. Voltaire’s library now contains only an edition of 1758 (BV 2150).[11] The first part of this eighth paragraph corresponds to the first part of paragraph 10 in the final version, where it precedes the last sentence in paragraph 6 above.[12] The last part of this eighth paragraph has no equivalent in the final version.[13] Voltaire, Le Temple du Goût, lines 87-89 (OCV, vol. 9, p. 126). The poem in its first version, of which theses lines form part, dates from 1733. It is Voltaire who mentions Dictis de Crète in the prose passage following these lines, referring implicitly to Anne Dacier’s edition of Dictys Cretensis Ephemeris belli Troiani (1680). Dictys Cretensis was a legendary companion of Idomeneus during the Trojan War, and the purported author of a diary of its events.[14] These three paragraphs (9-11) correspond to paragraphs 11 to 14 in the final version.[15] The first part of this twelfth paragraph corresponds to paragraph 15 in the final version. The passage that follows, which replaces a sequence of modifications and corrections, has no equivalent in the later versions, see Appendix 1.[16] See Dictionnaire de l’Académie française, ed. 1762, art. “Loin”: “On dit proverbialement, A beau mentir qui vient de loin, pour dire, qu’un homme qui revient d’un pays fort éloigné, peut débiter tout ce qu’il veut, sans craindre qu’on puisse le convaincre de fausseté”.[17] This thirteenth paragraph corresponds, after several modifications, to paragraph 20 in the final version.[18] Sethos, histoire ou vie tirée des monumens anecdotes de l’ancienne Égypte. Traduite d’un manuscrit grec, by the abbé Jean Terrasson (1670-1750) had appeared in 1731 (Paris, Jacques Guerin; BV 3263). An English translation by Thomas Lediard (1685-1743) came out the following year (London, J. Walthoe, 1732). Voltaire seems to have shared Émilie Du Châtelet’s opinion of this work. In October 1731 he wrote to Jean-Baptiste-Nicolas Formont: “le Sethos de l’abbé Terrasson prouve que des géomètres peuvent écrire de très méchants livres” (D435).[19] This quotation comes from a poem by the Irish poet Wentworth Dillon, 4th Earl of Roscommon (1633-1685), An essay on translated verse, lines 53-54. It should read: “The weighty bullion of one Sterling line / Drawn to a French wire would through whole pages shine”. It seems likely that Émilie had read the poem in The Works of the Earls of Rochester, Roscomon, and Dorset: the Dukes of Devonshire, Buckinghamshire, &c. With memoirs of their lives, etc. (London, 1731) a work recorded in Havens & Torrey, Ferney catalogue, p. 224, no 2744, but no longer present in the library at Saint Petersburg. – These three paragraphs (14-16) correspond, paragraph 15 having been reworked, to paragraphs 16 to 18 in the final version.[20] This seventeenth paragraph corresponds to paragraphs 19, 21 and 22 in the final version.[21] Allusion to the theories of Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre (1658-1743) and in particular to his Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe (1712) and his Polysynodie (1718), a work the publication of which provoked his expulsion from the Académie française of which he had been a member since 1695.[22] This eighteenth paragraph corresponds, after deletions, to paragraph 24 in the final version. In the very first version Anne Lefebvre, Mme Dacier (1645-1720) and Antoinette Du Liger de La Garde, Mme de Deshoulières (1638-1694) were given as exemples (see variant).[23] This nineteenth paragraph corresponds to paragraph 23 in the final version. The very first version of the text concerning women actresses and the the infamie they were submitted to (see variant above and Appendix 2), was no doubt inspired by the episode of Adrienne Lecouvreur’s death in 1730, a recurrent theme in Voltaire’s work in these years.[24] This twenty-first paragraph constitutes the first version of paragraphs 26 and 27 in the final version, where the text has been much developed. At this stage the text she is translating is not mentioned.[25] This last paragraph corresponds to paragraph 31 in the final version, the text concerning Mandeville, his Fable of the bees, and her treatment of the text having been added at an intermediary stage of which we have no trace, although some mention of it is to be found in the annex, note 2.